mardi 7 avril 2015

Se confronter à l'impuissance ...



Lorsque je me suis couchée ce soir là, après avoir très peu parlé toute la soirée, il semblait inquiet.
Il me connaît si bien.
Ce silence comme un aveu.
"Tu t'inquiètes ?".
Il me l'a demandé, doucement, tendrement.
Je n'ai rien répondu.
La boule était en train de se frayer un passage de mon ventre à ma gorge.
Comment la contrôler ?
Comment ne pas craquer ?
"Mais pourquoi tu t'inquiètes ?", a-t-il ajouté.
J'ai ouvert la bouche.
J'ai tenté de répondre.
Rien ne sortait.
Rien que mon souffle, en partie coupé.
Rien que ma difficulté soudain à inspirer, à expirer.
"Elle va bien tu sais".
"Elle a chopé ce virus, elle est couverte de boutons et c'est pénible, elle doit gérer cette merde, oui on va galérer, mais ce n'est rien de grave. Juste un virus, casse pieds mais anodin. Elle va bien tu sais. Ce n'est rien de grave, rien de grave tu m'entends ?".
Et toujours mon silence, opposé à cette foi.
Il a soupiré.
Marqué un temps d'arrêt.
Réfléchi avant de demander.
"Mais de quoi as tu peur en fait ? Ce n'est pas qu'elle ? Ce n'est pas vrai ?".
Cette fois ça y était.
Plus moyen de me dérober.
J'étais totalement acculée.
Cette question était celle qui allait tout déclencher.
Des larmes, silencieuses au départ.
Petites, fines, légèrement salées.
Roulant presque paisiblement sur mes joues dans la nuit.
Dans le noir, j'étais protégée, il ne pouvait les deviner.
Mais mon silence, malgré tout, me trahissait.
"Réponds moi Babeth ! De quoi tu as peur ?"
De quoi j'ai peur.
De quoi j'ai peur ?
De quoi j'ai peur ???
Mais tu crois peut être que je peux te le dire sans que tu me croies folle ?
Tu crois peut être que je peux l'avouer sans craindre de te perdre ?
J'ai peur qu'elle meurt !!!
Voilà de quoi j'ai peur.
Quand on est malade, on meurt.
Voilà la vérité.
Voilà ma vérité.
Celle de la petite fille à l'intérieur de moi.
Cette petite fille qui hurle, immobile dans la nuit.
Cette petite fille qui crie tout à coup dans ma tête.
J'ai peur qu'on me la prenne, comme on m'a pris ma mère.
J'ai peur que la vie soit une chienne, et qu'elle revienne me mettre des coups dans la gueule.
J'ai peur que mon bonheur ne puisse pas durer.
J'ai peur d'être si heureuse, peur qu'on revienne pour tout m'enlever ...
J'ai peur de la maladie, j'ai peur des médecins, j'ai peur des diagnostics et j'ai peur des soins.
J'ai peur des regards, j'ai peur de sa peine, j'ai peur de sa souffrance, j'ai peur de sa faiblesse.
J'ai peur qu'elle soit fragile mais aussi qu'elle soit forte.
J'ai peur d'être inutile.
J'ai peur de ne pas être à la hauteur.
J'ai peur de regarder ce que je ne veux pas voir.
J'ai peur de tout rater et d'être dans le brouillard.
J'ai peur quand vient la nuit.
Peur comme une petite fille.
Peur comme si les fantômes revenaient me hanter.
J'ai peur comme une prière, qui pourrait tout stopper.
J'ai peur au plus profond, plus profond de mon coeur.
J'ai peur à en crever.
J'ai peur même d'avoir peur.
Au fond je le sais bien.
Je sais ce qui me glace.
Ce qui me tue.
C'est lui.
C'est ce sentiment.
Ce sentiment atroce, qu'il m'a été donné trop souvent de vivre.
Il faut bien s'y frotter.
Il ne doit pas gagner.
Il ne va pas gagner.
Il me faut la contrer.
Il me faut l'affronter.
Cette putain d'impuissance.

Crédit photo : Bob

14 commentaires:

  1. Oh Bob... J'ai peur d'être maladroite.
    Parce que je n'ai pas vécu ce que tu as vécu.
    Mais je veux quand même essayer de te dire, que là, maintenant, tout de suite, cette terreur, cette impuissance que tu ressens, j'ai l'impression de les toucher du doigt.
    A travers tes mots si forts.
    Mais je crains que ça ne t'aide pas beaucoup...
    Je crois que ton homme va t'aider à virer les fantômes. J'en suis sûre même.
    Et moi je t'embrasse.

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    1. Tu ne le croiras peut être pas mais si, ça m'aide, ça m'aide énormément de savoir que tu as ressenti ce que je voulais te faire ressentir en l'écrivant.
      Ca m'aide parce que ça me rend plus vivante de partager ces émotions là avec d'autres.
      Merci pour ton mot Cécile.
      Je t'embrasse aussi !

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  2. Dans la nuit la plus noire, la plus hostile, il y a toujours des étoiles. Toujours. Souvent invisibles. Mais elles brillent toujours.

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    1. Je sais. J'ai la chance d'avoir une vie parsemée d'étoiles. Je ne l'oublie pas, même au plus profond de mes moments sombres. Il me faut juste parfois un peu de temps pour retrouver la lumière, celle qui éclaire mon chemin ...

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  3. Je suis sure, j'espere tres fort en tout cas que la coucher ici, ca va la réduire au neant un jour, ta peur. Gros bisous

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    1. Moi aussi j'y crois Opio !
      Merci d'y croire avec moi, à deux on est déjà plus fortes !
      <3

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  4. Oh... encore une fois, tes mots font écho à mes angoisses. Cette peur, je la connais, même si je n'ai pas vécu ton histoire. La peur de les perdre, je la ressens parfois si fort, c'est stupide mais c'est pourtant terriblement angoissant. Quand ils partent à l'école avec leur père, je cours leur faire coucou à la fenêtre, en pensant souvent que c'est peut-être la dernière fois que je les vois. C'est stupide, c'est bête, c'est flippant. Et ça me bouffe. Je t'embrasse.

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    1. On fait comme on peut, on fait ce qu'on peut, on fait en fonction de ce qu'on a vécu et de ce qu'on est ...
      L'essentiel je crois est de porter sur soi un regard lucide, et de tenter de progresser :)

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  5. ça fait écho ici aussi... Entoure toi, serre les fort.
    Je t'embrasse bob

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    1. J'imagine bien ma belle !
      Moi aussi je t'embrasse ...

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  6. Quand je l'ai cette peur, je me dis que la vie ne peut pas que te briser, et que la roue tourne... Des baisersBob

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    1. Je me dis ça parfois aussi Claire ...
      Et puis je vois ici ou là comme la vie peut être une chienne et je me dis que rien, rien ne nous protège de rien ...
      Alors il faut prendre chaque jour pour ce qu'il est, en tirer le meilleur ...

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