jeudi 3 décembre 2015

Et maintenant ?



Et maintenant dis moi, on fait quoi ?
La schizophrénie nous guette tu ne crois pas ?
Les moments se succèdent, totalement déconcertants, totalement déstructurés, absolument incohérents.
Un matin tu te lèves avec la nausée.
Le lendemain tu pousses la musique à fond et tu danses.
Un jour tu trembles à l'idée de devoir te rendre à Paris.
Le jour d'après tu y déjeunes et tu y ris.
Tout.
Son contraire.
Le souvenir, le choc marqué au fer rouge, l'empathie à son niveau maximum.
Puis le déni, parfois même l'oubli, l'égoïsme ancré dans le corps, dans le coeur.
Maintenant, dis moi, on fait quoi ?
Une partie de moi a envie d'égrener les noms, les visages, les histoires.
Pour mieux s'en imprégner, pour ne surtout, surtout jamais banaliser.
Cette partie de moi d'ailleurs l'a fait, le fait, le fera encore j'en suis sûre.
Et puis l'autre ne veut pas, ne veut plus jamais y penser.
Ne veut pas, ne veut plus jamais croire que ça peut de nouveau arriver.
Je suis là, perdue dans ce brouillard.
Le quotidien nous happe.
Heureusement ou malheureusement.
Le quotidien nous guide.
Vers l'avenir, quel qu'il soit, toujours, toujours vers l'avant.
Il en est des drames comme des deuils.
Passés le choc, souvent d'une rare violence, passé l'annonce, passé le moment de l'adieu, passé l'horreur de l'enterrement, que reste-t-il alors ?
Pour les familles, le vide.
Absolu.
Sidéral.
Un gouffre de douleur et de souffrance.
Le début d'un infiniment long travail d'arrachage de coeur à l'orée des premières fois.
Un morceau de coeur à chaque fois.
Pas de tranchage brutal.
Un lent démantèlement.
Premier Noël sans lui, sans elle.
Premier anniversaire.
Premiers pas d'un enfant.
Premier bulletin.
Premiers amours.
Premiers tourments.
Premiers moments de toute une vie qui continue hélas sans l'absent.
Pour ces familles, il y aura pour toujours une chaise vide.
Celle du père, de la mère, de l'oncle ou de la tante.
Celle de l'enfant qu'on pleure pour toute une vie.
Pour ces familles, il y aura pour toujours un après et un avant.
Pour les autres, c'est évidemment différent.
On pleure avec ceux qui ont souffert.
On les entoure, on les enserre.
On pense à eux, on est présents.
Et puis, insidieusement, inéluctablement, presque imperceptiblement, on reprend son petit bonhomme de chemin.
On retourne à son travail, à sa famille, à ses enfants.
On s'empare de la vie qui continue.
On s'y accroche pour ne plus ressentir la douleur de l'autre, des autres, cette douleur incommensurable qui nous renvoie à notre totale impuissance.
On ne peut rien, rien faire pour aider une personne en deuil.
Et une ville entière ?
Et un pays ?
Et le monde entier ?
Et maintenant, dis moi, on fait quoi ?
Personnellement je deviens folle, j'oscille, j'avance, je stagne, je crois, je pleure, je chante, je danse, je serre dans mes bras les petits et les grands, les amis, les amours, les enfants.
Je vis.
Je ne sais vraiment pas quoi faire d'autre pour le moment.
Mais je me dis qu'il faut au moins célébrer le fait d'être vivants.
Qu'on a cette chance là, infinie, incroyable, insolente.
Et qu'on n'a pas le droit de ne pas en être reconnaissants.