lundi 31 mars 2014

"La prochaine fois c'est toi qu'ils vont appeler".


"Ils m'ont appelée et auditionnée".
Elle a dit ça et le beau sourire habituel avait quitté son visage.
"Tiens toi prête.
La prochaine fois c'est toi qu'ils vont appeler".
J'ai senti comme un vent glacé entrer dans la pièce, pourtant chaude et rassurante.
J'ai senti un goût amer dans ma bouche.
J'ai senti qu'il allait falloir se préparer à raconter.
Encore et toujours des sacs à vider.
Encore et toujours des mots à sortir.
Cette séance de photos, à laquelle mes parents m'avaient un jour envoyée.
Ce photographe amateur que tout le monde adorait dans le quartier.
Un artiste qui s'ignore, on disait.
Un talent pas possible pour photographier les enfants, on ajoutait.
Et chacun d'envoyer sa fille dans cette chambre lambrissée et mansardée.
Je revois le dessus de lit en patchwork.
La lumière entrant par le velux.
La moquette douce.
Les mots feutrés.
"Tu as de très beaux yeux tu sais".
"On va te maquiller un peu tu veux bien ?"
"Voilà regarde vers moi c'est parfait".
"Maintenant un petit peu sur le côté".
"Et puis peut être que tu pourrais déboutonner un peu ton chemisier ?"
"N'aie pas peur c'est juste pour que la photo soit plus jolie".
"D'ailleurs je fais de très belles photos regarde je vais te les montrer".
"Tu vois c'est ma fille".
"Elle est belle non ?"
"Elle est même très belle c'est vrai".
"Elle est nue, oui, mais c'est très beau la nudité".
"Il ne faut pas voir honte".
"Il ne faut pas se cacher".
Qu'est ce que tu peux répondre ?
Qu'est ce que tu peux dire à 8 ans quand tu vois cette jeune fille nue prise en photo par son père ?
Qu'est ce que tu peux faire quand tu es seule, toute seule, absolument et désespérément seule dans cette maison avec cet homme, l'ami aimé de tout le quartier ?
Je ne sais pas ce que j'ai dit, ni ce que j'ai fait exactement.
Mes souvenirs sont complètement tronqués.
Mais je sais qu'il ne m'a pas touchée ce jour là.
En tous cas pas physiquement.
Mais lorsque quelques temps plus tard mes parents ont été contraints de nous envoyer chez des amis pour le week end, car ils devaient aller rencontrer un médecin pour ma mère, j'ai tremblé je dois l'avouer.
"Toi et ton frère vous allez passer deux jours chez A.".
J'ai crié, pleuré, supplié mais ils n'ont pas compris, et face à mon caprice ils nous ont quand même déposés.
Je n'ai pas quitté mon frère de la journée, je le suivais pas à pas.
Il en a eu assez et il a réussi à filer.
Je me suis mise à un bureau pour dessiner, pour occuper mon esprit sur le qui vive.
Il a frappé à la porte de ma chambre.
"J'i laissé un mot pour toi sous ton oreiller".
C'est tout ce qu'il a dit.
Et puis il est sorti.
Le mot disait en substance ceci :
"Tu me rappelles mon amour d'enfance, tu es si jolie. Je pense à toi souvent. Et toi, est ce que tu penses à moi ? Est ce que tu m'aimes aussi ?".
Il avait 40 ans.
J'en avais 8 ou 9.
Je tremblais en déposant la feuille sur le bureau.
Je ne savais plus quoi faire, plus quoi penser.
J'étais totalement terrorisée.
Je me souviens avoir écrit, avec mes mots enfantins, un tout petit "Je ne sais pas quoi répondre".
Et je me suis enfuie pour retrouver mon frère.
J'ai passé le reste du week end sur des charbons ardents, totalement collée à mon frère, m'enfermant fiévreusement dans les toilettes ou dans la salle de bains.
Je n'ai jamais été aussi soulagée qu'en voyant mes parents arriver pour me rechercher.
Je n'avais rien.
Tout allait bien.
C'était passé.
J'ai tenté comme j'ai pu de me rassurer, de me consoler.
Je n'en ai pas parlé.
Je n'ai pas dénoncé.
Mais je n'ai plus jamais accepté d'y aller.
Des crises de colère comme jamais.
J'ai tenu bon.
J'ai refusé.
J'ai longtemps eu peur.
J'y ai souvent repensé.
Ca me dégoûtait.
Ces mots d'amour qu'il avait osé poser sur le papier.
Ces mots et ces gestes totalement déplacés.
Ca m'a longtemps hantée.
Pourtant j'ai eu de la chance.
Je le sais.
Moi il ne m'a marquée que psychologiquement.
D'autres ont eu bien moins de chance.
D'autres qui aujourd'hui ont osé parler.
D'autres qui ont eu l'immense courage de tout dénoncer.
Après toutes ces années.
Elles sont si fortes d'oser affronter le passé.
Je les admire.
Je les soutiens comme je peux.
Je serai là pour parler, pour raconter, pour dénoncer.
Je me tiens prête.
Elle me l'a annoncé.
La prochaine fois, c'est moi qu'ils vont appeler ...


Princes en leur royaume ...


Des bidons de ferraille rouillés.
Des bâtons éparpillés.
Des tams tams improvisés.
Tambours du Bronx dans le champ du voisin d'à côté.
Des cailloux que l'on peut écraser.
Pour en faire de la poussière.
Fine, très fine.
Pour en faire des peintures de guerre sur leurs visages.
Et devenir un petit groupe qui s'affirme.
Des cabanes abandonnées.
Qu'ils vont reconstruire, des heures durant.
Avec des planches pourries.
Avec des clous rouillés.
Des manches de pioche en guise de marteaux.
Ceux qui donnent les consignent.
Ceux qui s'appliquent.
Ceux qui protestent.
Ceux qui apaisent.
Ceux qui expliquent.
Dans leurs jeux, toute l'énergie de leur jeunesse.
Dans leurs yeux, toute la puissance de leurs rêves.
Et par dessus tout, leur imagination.
Fertile.
Magique.
Merveilleuse.
Cette façon qu'ils ont de transformer une mini décharge en caverne d'AliBaba.
Princes en leur royaume.
Les enfants ...

Crédit photo : Bob

Un déjeuner en famille sous le cerisier en fleurs ...


Ce week end, je suis partie dans le Vexin pour fêter l'anniversaire de ma tante.
Et j'ai bien pensé à mon maître Yoda, aka Pierre Richard évidemment.
Et à toi aussi, qui mérite bien de temps en temps une petite Pierre Richardise (dont je te sais friand ;)).
Pour tout te dire, on s'était couchés mon homme et moi un peu alcoolisés tard le vendredi soir (le samedi matin d'ailleurs si on est tatillon), après une soirée passée à massacrer au piano tous les chanteurs de moins de 70 ans. Les pauvres.
Mais j'avais quand même mis la pression pour qu'on se lève tôt : le déjeuner était prévu depuis longtemps et j'avais promis à ma tante d'arriver vers midi avec ma petite famille.
Cela dit, samedi matin, quand le réveil a sonné, j'ai rêvé d'être orpheline je l'avoue.
Enfin je veux dire encore plus ...
Enfin tu vois c'que je veux dire ...
(Oui j'ai un humour de merde tu as raison !)
Bref, je me lève, et je le bouscule, il ne se réveille pas, comme d'habitude ...
(Et une culture musicale bluffante).
(Je sais).
Vers 9 h tout le monde émerge enfin et on commence à mettre des fringues dans un grand sac de voyage, juste pour le week end, chacun, pour une fois, se démerdant avec ses propres bagages.
J'en suis restée comme deux ronds de flan dis donc !
Avant 10h, mon mec avait chargé d'office le sac dans la voiture, et on était déjà devant la mairie où on devait passer rapidos pour récupérer nos passeports.
Tout s'est d'ailleurs déroulé à merveille.
Sauf qu'il en manquait un.
Mais à merveille pour moi, c'est quand ça marche un minimum, donc autant te dire qu'après avoir récupéré 3 passeports sur 4, on a sabré le champagne ;) !
Si ça se trouve on va même réussir à y aller, à New York !
Bref, une fois cette formalité accomplie, on trace pour le Vexin, et à midi pile, contre toute attente, on franchit le portail de la ferme.
Médusés nous-mêmes d'être à l'heure !
Au passage, je glisse à mon mec un petit mot victorieux (j'ai des joies simples) : "T'as vu ?? Je crois qu'on est arrivés les premiers, y a aucune bagnole à part la nôtre !".
J'entre dans la cuisine, j'embrasse ma petite famille biologique préférée, et je braille un "Vous avez vu ?? On est à l'heure et même on est les premiers !!!".
Ma tante se marre.
Mon oncle se marre.
Ma cousine se marre.
Je me marre.
Moi : "C'est la classe hein ??? Première fois en 40 ans quand même !".
Eux : "Ben oui mais c'est normal que tu sois la première puisque personne d'autre ne vient".
Moi (je me marre moins) : "Comment ça personne ne vient ?"
Eux : "Ben non ... Le déjeuner de famille ... c'est demain !".
Tête de mon homme qui revoit son réveil et les mots charmants que je lui ai glissés pour qu'il se bouge le fion et qu'on arrive tôt ...
Tête de Bob, médusée, blasée ... n'importe quel mot en "sée" en fait !
Ce qui m'a fait le plus halluciner, c'est que personne, quand j'ai dit "on arrive samedi vers midi", n'a eu l'idée de me répondre que c'était dimanche.
La bonne nouvelle c'est que je suis donc un ovni, certes, mais que ma famille est ovni-friendly et m'accepte totalement comme je suis !
Bonheur non ?
Le samedi on a donc profité, tranquilles, avant que la foule ne débarque (les fêtes en toute intimité on est à peu près 30 si tu vois ce que je veux dire).
Le dimanche matin, mon frangin et sa douce sont arrivés plus tôt que prévu aussi, mais personne ne s'est moqué (y a pas de justice mon pauvre c'est moi qui te le dis).
A vrai dire, j'avais pas eu le temps de prendre ma douche, on était un peu affairées en cuisine.
J'ai donc décidé de filer rapidement pour opérer une désuette mais indispensable "toilette du chat" comme disait ma grand mère !
Je prends ma petite culotte, un gant de toilette, je trace vers la salle de bains en me speedant.
Je pense au lapin d'Alice "en retard, en retard, j'ai rendez vous quèqu'part ...".
Et dans le feu de l'action, j'ouvre grand le robinet du lavabo pour mouiller le gant.
Vite.
Agir.
Etre efficace.
Au taquet.
Dans l'intention, honnêtement, je suis parfaite.
Dans les fait, en revanche, je dois avouer que j'ai juste posé bien au chaud le gant sur la chaise et foutu ma culotte sous l'eau.
MERDE.
Elle est trempée.
Et j'ai pas d'autre culotte.
(Oui, je sais ce que tu vas dire, j'ai quand même un vrai souci avec mes dessous, je l'admets volontiers).
Mon choix se résume donc à : 1) mettre une culotte mouillée, 2) pas de culotte.
Je décide que je risque moins un rhume avec la culotte mouillée et je redescends à la cuisine (en évitant de m'asseoir pour me laisser évaporer du cul) où on se remet à piailler avec mes cousines (Je pense que tu n'imagines même pas le niveau sonore qu'on peut atteindre. Je pense d'ailleurs que c'est mieux pour ta santé mentale).
Je remonte fissa aider ma fille qui elle aussi s'habille à la dernière minute.
Je constate avec joie que dans le sac, il n'y a aucun vêtement de rechange pour elle.
A part une culotte tiens !
Je demande quand même à mon mec où sont les habits de sa fille.
Il me répond, magnanime : "Ben elle a tout préparé alors j'ai pas vérifié".
OK.
Donc des chaussettes propres ?
Y en a pas.
Un tee shirt propre ?
Y en a pas non plus.
"Oui  ben je pensais qu'elle avait tout pris moi !".
Mais non à 7 ans elle ne pense pas trop à tout mon chéri il faudra t'en rappeler ...
Note pour plus tard : ne jamais laisser mon mec gérer les sacs.
Question cependant : est-ce que ce ne serait pas une vraie stratégie de sa part pour éviter que je lui redemande ce genre de choses ???
Je n'ai pas le temps de me poser plus de questions car on passe à table.
Il est sauvé !
On passe le déjeuner à refaire le monde, à se moquer de Céline Dion, à vénérer Annie Cordy, à raconter un maximum de conneries.
Et puis il faut filer pour rentrer voter, ce que mon homme me rabâche depuis samedi matin.
"Il faudra qu'on parte tôt pour aller voter hein !!!".
OK.
Donc ...
Sachant qu'on a 1h30 de route à peu près, et que les bureaux ferment à 18h, à quelle heure Bob et sa famille doivent-ils quitter leur petite famille pour être à l'heure ?
Problème de niveau CE1 je pense.
On décide qu'on part à 16h pétantes.
ET ON LE FAIT !
Putain je suis sur le cul.
Respecter deux fois des horaires dans le même week end m'affole un peu.
On part donc, avec nos deux minots dont la petite qui radote depuis 2 heures que les tomates cerises de l'apéro avaient un goût de vomis.
Et qu'elle va être malade.
Sans déconner avec des tomates cerises ???
On n'a jamais vu d'intoxication de ce type, mais par précaution je lui donne quand même un grand sac de courses qui traîne dans le coffre.
Bien m'en a pris.
A peine 20 minutes plus tard elle se vide entièrement.
Dans le sac heureusement.
Je me glisse à l'arrière pour la soutenir, et j'assiste à ce délicieux échange entre mes enfants.
Mon fils : "Ben dis donc je savais pas qu'on pouvait vomir rouge comme ça !".
Elle : "C'est pas rouge, c'est rose mon vomis".
Lui : "Oui mais c'est marrant quand même. Donc t'as bien été malade d'une tomate cerise."
Elle : "Ah oui regarde y a même des petits bouts de tomates aussi".
On en était là quand j'ai voulu hurler que moi aussi j'allais être malade si ils continuaient, quand je me suis arrêtée net devant une vision d'horreur : le sac commençait à fuir !!
Miracle, mon mec a réussi à trouver une petite aire d'autoroute immonde pour qu'on puisse "vider notre sac", laver la voiture ET la fille, et repartir.
Et on est repartis.
Hé ben tu me croiras ou pas, malgré ce contretemps dans le timing on est arrivés à temps pour voter !
Une tomate, deux culottes et un cerveau de poule n'auront donc pas réussi à nous gâcher le week end !
Mais je dois t'avouer quand même que tout le monde m'a demandé de noter scrupuleusement dans mon agenda la date du prochain déjeuner de famille ;) !


Crédit photo : Bob


mercredi 26 mars 2014

Je suis ...


Je suis la femme de 40 ans.
Je suis la petite fille à l'intérieur.
Je suis la mère qui protège ses enfants.
Je suis l'amie aimante mais parfois défaillante.
Je suis celle qui pleure, parfois.
Je suis celle qui rie, souvent.
Je suis celle qui cherche, toujours.
Je suis celle qui doute, encore.
Je suis la rêveuse.
Je suis la traîneuse.
Je suis hors de moi.
Et je suis centrée.
Je suis perdue.
Et je me suis trouvée.
Je suis tout et rien.
Le vide et le plein.
Je suis cent histoires terribles.
Et un réservoir de sourires.
Je suis une et plusieurs.
Je suis mon frein et mon moteur.
Je suis entière et exaltée.
Je suis par terre et isolée.
Je suis au centre.
Ou en retrait.
Je suis différente.
Et révoltée.
Je suis sincère.
Mais parfois je voudrais me taire.
Je suis ce que je suis.
Et j'essaie de faire avec ...

samedi 22 mars 2014

Au coeur de mon cimetière, il y a ...



Les cauchemars de mon enfance me surprennent parfois par leur brutalité, leur violence, leur irréalité ...
Dans un espace de confiance, ils peuvent resurgir, ressortir, sortir tout court d'ailleurs car certains sont restés bien cachés.
Si profondément enfouis dans le cimetière de mes secrets.
A jamais aurait-on pu dire.
Mais il ne faut jamais dire jamais ...
Et celui-ci a refait surface.
Et sur son passage, il a tout emporté.
Je devais avoir environ 12 ans.
Ma mère était déjà dans un fauteuil roulant.
Pour une raison que j'ignore, elle était ce jour là furieuse.
Sortie de ses gonds.
Peut être que je l'avais énervée ?
Peut être était ce mon frère ?
Peut être l'avions nous poussée dans ses derniers retranchements comme seuls les enfants savent le faire pour faire réagir leurs parents ?
Mais ma mère n'était pas n'importe quel parent.
Ma mère était un parent malade.
Ma mère était une maman épuisée.
Ma mère était au bout du rouleau en fait.
Alors ...
Alors elle s'est mise à hurler.
A hurler comme une possédée.
Mais elle n'arrivait pas à calmer mon frère qui riait, insolent, provocateur.
Alors elle a totalement craqué.
Elle a attrapé un couteau dans la cuisine.
Elle l'a dirigé vers elle.
La pointe du couteau vers son cœur.
Elle avait les yeux fous.
Et elle a hurlé.
Hurlé.
Hurlé ...
"Je veux mourir !!!"
"Je vais me tuer !!!".
Son visage était déformé par la colère.
Déformé par la violence.
C'était ... atroce.
J'étais pétrifiée.
Tétanisée.
Totalement paniquée.
Moi aussi je me suis mise à crier de toutes mes forces ...
"Arrête !!!!"
"Mais arrête maman !!!
"Je t'en supplie arrête tu me fais peur !!!".
"Maman pose ce couteau s'il te plaît !!!".
Mes cris répondaient aux siens dans une égale hystérie.
C'était comme dans une tragédie grecque.
C'était comme dans un film d'horreur.
Ca a sans doute duré moins de 15 minutes, mais j'ai encore le sentiment d'une scène interminable.
D'une tension palpable et insoutenable.
Mais elle a fini par me laisser lui prendre le couteau.
Je l'ai attrapé, malgré la peur de la blesser, malgré la peur de me blesser, et je l'ai immédiatement laissé tomber au sol.
Puis je me suis écroulée par terre et j'ai sangloté.
Sangloté à m'en déchirer les boyaux.
J'ai pleuré à m'en vider.
Elle aussi, assise sur son fauteuil, elle pleurait.
Nos visages étaient ravagés de sillons salés.
Je n'ose même pas imaginer sa culpabilité.
La honte.
Le désespoir qu'elle a pu ressentir.
Mais quand ce cauchemar est ressorti de mes placards bien verrouillés, quand il a resurgi et que l'enfant en moi a enfin pu s'exprimer, j'ai été transpercée par cette violence, anéantie par ce désespoir qui a failli nous pousser au pire ...
Et j'ai hurlé, à 40 ans passés, comme je l'avais fait à 12 ans.
Et j'ai sangloté, pareille à cette enfant.
Et je me suis retrouvée épuisée, vidée, à terre.
Ecrasée.
Mais c'était sorti.
C'est sorti.
Un verrou a sauté.
Ce secret n'est plus un secret.
Les fantômes de mon enfance ont du souci à se faire.
Le grand ménage a bel et bien commencé.
Et après les tempêtes, je le sens, je le sais, c'est le calme qui va arriver.
Pour lui aussi, je me tiens prête.
Et je peux te promettre une chose.
Lui aussi, avec gratitude, avec une conscience pleine, je l'accueillerai.


mardi 18 mars 2014

Se souvenir des belles choses ...


La chaleur des premiers rayons de soleil.
La douceur d'un vêtement sur la peau nue.
L'odeur du thé au jasmin.
La sensation de la pierre sous la main.
La vue des cerisiers en fleurs.
Les rires des enfants dans le jardin.
Le pillage de la malle à déguisements.
Le goût du chocolat qui fond dans ma bouche.
La paume de l'amoureux sur mon cou.
Le vent qui agite les branches.
La blondeur et l'innocence enfantines.
Les "je t'aime" susurrés à mon oreille.
Le balancement de mon corps dans le hamac.
L'absence de nuage dans le ciel.
Profiter de cette journée de printemps.
Profiter de ce printemps de mes 40 ans.
Pour se souvenir, tout simplement ...

Crédit photo : Bob



mardi 11 mars 2014

Tous les chemins mènent à l'homme ?


Je t'ai raconté que je me formais pour devenir couturière je crois ?
(non je n'ai pas de doute sur le fait que je veux devenir couturière, mais seulement sur le fait que je te l'ai raconté !)
Je t'avoue que je me régale, je suis hyper hyper motivée, et je saisis toutes les opportunités pour me former à ce métier quand même super technique ...
Je prends des cours, je fais des stages, du coup je fais aussi plein de rencontres et tout ça c'est ... booooon !!
Mais Bob étant Bob, il m'arrive de temps à autre des petites (més)aventures il est vrai.
La dernière en date prend tout son mérite dans les infos que m'a données ma copine Shirley.
Avec elle, on est inscrites dans un cours dans lequel on apprend à créer nos propres patrons, à partir desquels ensuite on découpe le tissu pour créer le vêtement.
On passe donc du papier au volume pour résumer.
C'est d'ailleurs la technique la plus connue, celle à laquelle les gens sont la plupart du temps habitués.
Mais il existe aussi une autre technique en couture petit padawan, technique qui consiste à faire le travail exactement inverse.
En fait tu construis le vêtement directement sur un mannequin de couturière, tu mets des marques et des infos sur ton tissu, tu le défais du mannequin, tu le poses à plat, et tu créées ton patron à partir de là.
Tu passes donc cette fois du volume au papier.
Du moulage ça s'appelle.
(Oui, je me doute que globalement pour le moment, tu te fais un peu chier et que ça manque de Pierre Richardises tout ce petit blabla. Attends j'y viens !)
Shirley donc, est aussi dingue que moi en terme de "Je veux tout essayer, tout le temps coudre, tout tenter" ...
Elle me chope un jour pour me dire qu'il y a des cours qui viennent de se libérer pour faire du modelage moulage le samedi matin, de 8h30 à 12h30 à l'école Duperré.
Si tu ne connais pas, je t'aime encore rassures toi, mais permets moi quand même de te préciser que c'est un peu le Graal : l'école supérieure des arts appliqués, hyper connue pour le stylisme et le design textile.
Evidemment, ma pote et moi on a totalement collapsé !
On s'est ruées sur le site pour s'inscrire.
Il y avait juste marqué : "Il reste des places pour le cours de modelage moulage".
De la balle !
On envoie nos papiers, et on attend des news.
Et ce vendredi soir, coup de fil de Shirley.
Plus mail de Shirley ...
Plus SMS de Shirley !
Elle était la modération incarnée : "Je viens de recevoir la réponse elle est positive sous réserve d'un entretien il faut absolument que tu viennes c'est trop dingue !!! Même si toi tu n'as pas reçu le papier parce que tu habites plus loin, viens viens viens c'est le pied !!!!".
Oui mais bon, la situation était un peu compliquée : on était vendredi soir, j'étais déjà passablement bourrée pompette, et je m'étais engagée à aller le samedi matin à une réunion pour la bibliothèque de l'école de ma fille. (ma vie est palpitante ne dis rien je sais ...).
Qu'à cela ne tienne : je me couche à 2h du mat avec les yeux globuleux du crapaud bouffi, et je règle mon réveil. Motivée motivée !
Il fallait absolument, pour être à 8.30 à Deperré (Rhaaaaaaa Duperré !!!) que je prenne le train de 7h37.
Ca tombe très bien, mon réveil n'a pas sonné.
J'ai donc ouvert les yeux toute seule à ... 7h27 !
Sachant que j'habite à 10 mn à pied de la gare, mes chances étaient ... inexistantes on va dire.
Hé bien crois moi ou pas, ce train, je l'ai chopé !
J'ai sauté de mon lit dans mon jean, de mon jean sur mon vélo, de mon vélo dans le train !
Yes !
Motivée je t'ai dit, motivée comme jamais.
Je roupille un peu dans le train pour me remettre de ma nuit aussi courte qu'alcoolisée, et j'arrive à Paris.
Trois petits coups de métro, et j'entre dans cette école superbe.
Au milieu d'une petite cour ravissante, je vois, plantée comme un citronnier, la gueule en biais et l'air désespéré, ma pote ...
Je me dis que, déjà, je ne me suis pas plantée de journée.
Ni d'heure puisque que Shirley est bien dans la place.
Du coup je me demande ce qui a bien pu merder ...
"Ben pourquoi tu fais cette tête là Shirley ?"
"C'est pas le bon jour ? Pas le bon endroit ? Pas le cours de modelage moulage ?".
Elle me répond, dépitée ...
"Si si, c'est bien le cours de modelage moulage. Mais c'est un cours de modelage moulage sur glaise par modèle de corps nus !!!!".
Je te laisse imaginer le fou rire du prof qui nous a chopées, avec nos petits ciseaux et nos règles japonaises.
Il n'avait jamais vu sa de sa carrière dis donc ...
Je suis donc rentrée, sans modeler quoi que ce soit - à part ce qu'il me restait de dignité - parce j'avais encore une chose importante à faire : appeler l'école de ma fille ... pour expliquer que je ne pouvais venir à la réunion étant donné que j'avais un cours super important de moule-bite auquel j'ai même pas assisté !
Parfois je me sens un tout petit peu fatiguée d'être moi tu sais ;) !

Crédit photo : Minicyn.blogspot.fr

lundi 3 mars 2014

Je n'avais pas 10 ans mais elle boitait déjà ...


Je n'avais pas 10 ans mais elle boitait déjà ...
A cette soirée déguisée à laquelle elle ne voulait pas se rendre, nous nous étions pourtant rendus.
Mon père ne cédait pas un pouce de terrain à la maladie.
"On y va et on s'amuse ! Tu verras, tu seras heureuse d'être sortie !".
Malgré tout ce qu'il a pu me faire subir ensuite, je lui dois ça, je lui reconnais ça, mon père s'est comporté comme un héros vis à vis d'elle.
Il a transformé la merde en or, la maladie en défi, le drame en fous rires ...
Un vrai magicien.
Réellement.
Alors à cette soirée, il a dit "Nous irons !", et nous sommes allés.
Mais elle ne pouvait pas marcher en réalité.
Elle était déjà tombée plusieurs fois, et elle avait besoin d'une canne, d'une béquille, d'une épaule.
Alors mon père et moi nous avons été tout ça : la canne, la béquille, l'épaule.
Et nous avons souri.
Souri face à l'adversité.
Souri face à la trouille de la voir, malgré notre appui, se prendre les pieds et trébucher, tomber de tout son long comme cela lui arrivait ...
Devant tout ce monde, elle ne l'aurait jamais supporté.
Alors nous avons tenu.
Sa main.
Notre tête haute.
Le coup.
Nous avons tenu.
Avec ce qui nous restait de force et de dignité.
Nous n'avons rien lâché.
Et nous avons souri, je m'en souviens si bien, lors de cette soirée.
Mais je me souviens aussi de la boule au ventre que j'avais, avant d'y aller.
Des cris et des larmes de ma mère avant d'y aller.
Puis les cris s'étaient tus, les larmes avaient séché.
Mais la boule dans mon ventre était restée.
Je m'en souviens comme si c'était hier, je peux encore sentir la bile dans ma gorge.
Peur.
Fatigue.
Angoisse.
Sur mon estomac cet énorme pavé.
Dans mon coeur cette sensation d'être glacée.
Lui sourit pourtant, avec son coeur et sa foi de futur illuminé : il y croit vraiment, à ce bonheur qu'il nous a fait partager.
Et il a peut-être raison après tout, car on en a partagé des moments de fous rires durant toutes ces années.
Mais cette photo, retrouvée ce soir au fond d'un tiroir mal rangé, je la vois comme déjà, hélas, je la ressentais lorsqu'elle a été prise il y a tant d'années.
Je vois un homme convaincu.
Je vois une femme si belle mais déjà brisée.
Et je vois une petite fille qui sourit faiblement, un peu comme une bête traquée.
Je m'accroche.
Elle s'accroche.
Nous nous accrochons tous.
Tenir.
Nous tenir.
Nous soutenir.
C'était bien tout ce qu'on avait.
On avait au moins ça.
Le pouvoir de l'amour.
Celui qui nous a tout pris mais aussi tout donné.