vendredi 15 avril 2016

Et le fracas de son coeur qui explose ...



Parce que c'était vendredi, elle aurait sans doute dû appréhender avec plus de joie cette journée.
Oui, ensuite viendrait le week end, le temps du repos et de la famille.
Elle aurait dû s'en réjouir, s'en délecter.
Bon, elle travaillerait toute la journée du samedi mais au fond, cela n'était pas grave : son week end à elle était décalé c'est tout.
Elle savait que dimanche et lundi accueilleraient sa fatigue et son besoin de souffler.
Les clients se succédaient à un bon rythme dans la boutique.
C'était vendredi, le jour du marché.
Tout le monde en profitait pour venir acheter de la viande chez le boucher.
Elle souriait, découpait des tranches, pesait, servait.
Machine bien rodée.
Mécanique du métier.
Pas de questions à se poser.
Au moins sur ce sujet.
A quinze heures, la cloche de la liberté.
Elle embauchait tôt, finissait tôt.
Elle a donc pris son sac, ses clés, a dit en souriant au revoir au patron, et a filé.
Et puis elle n'est pas revenue.
Le samedi, pas de Sandra à la boutique.
Le patron s'en est inquiété mais devant le flot de clients il a vite laissé passer.
Le dimanche, il a dormi.
Le lundi, il a préparé ses commandes.
Et puis, le soir, un sursaut soudain.
Merde, Sandra.
Alors il a appelé.
Est tombé sur le répondeur.
A laissé un message.
Une heure plus tard, a rappelé.
N'a pas laissé de message.
S'est soudain inquiété.
Ce silence prolongé lui semblait soudain bien étrange.
Il a réfléchi.
A appelé le mari de Sandra.
Trois sonneries.
Puis il a décroché, d'une voix d'outre tombe.
Et a annoncé.
Sandra ne viendrait pas mardi.
Ni le jour d'après.
Sandra était hospitalisée.
Sandra avait voulu se tuer.
Se jeter sous un bus.
Comme ça.
Il ne savait pas pourquoi.
Pas plus qu'il ne comprenait.
Un matin, on se dit bonne journée, et le soir ...
Qu'est ce qui avait pu la faire basculer ?
Qu'est ce qui avait pu la décider ?
Comment avait elle pu en arriver à cette décision, à cette radicalité ?
Pourquoi ?
Oui pourquoi ?
Elle avait soudain décidé.
De s'enfuir loin des eaux troubles dans lesquelles elle se noyait en secret.
D'échapper à ses angoisses, à ses remords, à ses regrets.
De faire partir à jamais ses secrets.
Des secrets bien trop lourds à porter.
Alors elle avait fait le choix de l'après.
D'exposer son corps et de l'exploser.
D'entendre sa vie s'échapper, pour enfin la libérer.
D'entendre une porte de sortie, malgré le prix de sa liberté.
D'entendre ça, et tout ce que jamais elle ne disait.
Et le fracas de son coeur qui explose sur les pavés.


lundi 11 avril 2016

Neuf ans et la vie devant soi ...



Je la regarde et elle me fascine.
La profondeur de son regard.
L'intensité de ce qu'elle vit, ce de en quoi elle croit.
La confiance qu'elle place en nous.
La certitude qu'elle peut voir les choses en grand.
Et en même temps, cette fragilité.
Et en même temps, cette lucidité.
Des blessures, déjà.
Petites, mais douloureuses.
Comme ces peaux mortes au bout des doigts.
Anodines mais insistantes.
Le petit truc qui fait vriller.
Qui se rappelle à toi à chaque seconde.
est ce qu'elle se construit bien ?
Est ce qu'elle sera forte et heureuse ?
Est ce qu'elle y arrivera, à composer avec le monde, avec les autres ?
Est ce qu'elle y arrivera mieux que moi ?
Je le souhaite tellement, tellement fort.
Ses billes bleues me fixent.
Son sourire m'éclabousse le visage
Et quand mon coeur est au bord d'exploser elle me fige en une phrase.
Les répliques fusent.
Langage pointu, sens acéré, humour vital.
Elle est pleine de cette grâce enfantine qui m'a toujours manqué.
Elle a ce petit plus, ce petit rien, ce petit tout qui doit faire tant de bien.
Elle détient l'insouciance, quelque part dans ses mains.
Garde le ce trésor, ma belle au tempérament de feu.
Garde le précieusement.
Et lorsque tu l'auras perdu, car on le perd toujours, et toujours plus ou moins, ce jour où tu ne l'auras plus, garde au moins ceci : la confiance en demain.