mardi 23 février 2016

Celle qui avait 42 ans maintenant.





Voilà.
C'est fait.
La date est passée.
Le temps a basculé.
J'entre dans le temps d'après.
Le temps où je réalise encore plus intensément tout ce que ma mère n'a pas pu vivre, pas pu faire.
Et c'est étrange (ou peut être que c'est tout le contraire ?), mais pour la première fois depuis très très longtemps, je n'ai pas ressenti ce malaise, ce mal être, dans la semaine qui précède mon anniversaire.
Chaque année la boule s'invite d'abord dans ma gorge, ensuite dans mon ventre.
Chaque année elle gonfle, elle enfle, elle finit par tout envahir, tout enlaidir, tout salir.
Elle occupe l'espace, inconsciemment je lui en laisse la place.
Et elle lamine, elle sape, elle brise.
La confiance en soi, la confiance en l'autre.
Le travail acharné, année après année, pour avancer, pour être mieux, pour être bien.
Chaque fois elle gagne, pas pour toute la vie non, mais pour un temps tellement douloureux, tellement inconfortable qu'il paraît long comme une vie quand même.
Mais pas cette fois.
Est ce que c'est la symbolique ?
La force de cette année si spéciale ?
Je ne sais pas.
Mais j'ai senti, à 42 ans, pour la toute première fois, une force nouvelle en moi.
Ou peut être qu'elle a toujours été là mais que je ne l'avais jamais autant accueillie je crois.
Je suis solide, forte sur mes deux pieds.
Ce n'est pas moi, ce n'est plus moi celle qui boîte.
Je suis debout, une femme debout comme le dit la belle M. lorsqu'elle m'écrit et touche mon coeur.
Je suis debout et je regarde.
Je ne regarde plus le bout de mes pieds, le bout de mon nez.
Je regarde l'horizon.
Et j'aime ce que j'y vois.
La richesse de cette vie que je tiens dans mes mains, que j'accueille à plein bras.
Un nouveau métier, inventé, pour me réinventer.
Une famille aimante.
Deux enfants heureux.
Un homme solide, présent, tellement présent, et depuis si longtemps.
Des amitiés sincères, approfondies au fil des drames, au fil du temps.
Deux soeurs de coeur, et des amies merveilleuses rencontrées par la toile dont je n'attendais rien, rencontrées par ce blog qui m'a donné sans frein.
Des âmes soeurs dévoilées peu à peu et reçues comme un cadeau, si merveilleux, si surprenant aussi.
Et la chance de ne pas, jamais, me préoccuper de ma santé, car je vais bien.
Je crois que je mesure aujourd'hui pleinement ma chance.
Je suis une femme debout, et riche de tout cela.
De mon passé, avec lequel j'ai le sentiment d'avoir fait la paix, enfin.
De mon présent, qui me remplit, me nourrit, me porte.
De mon futur, qui, je le sens désormais, m'appartient.
C'est peut être un peu mièvre, c'est peut être ridicule.
Mais c'était important, après tout ce chemin, c'était essentiel pour moi de venir poser ici ces mots.
Mon coeur est plein d'amour, la lumière inonde mon chemin, mes pas sont plus sûrs et la route n'a jamais paru si belle.
Je me sens bien.
Enfin.


vendredi 5 février 2016

La force fragile ...



"Mais est ce que tu te sens plus forte alors aujourd'hui ?"
Cette question comme une boucle, comme un gimmic dans la bouche des autres et dans mon propre coeur / cerveau / for intérieur ...
Plus forte que quoi ?
Plus forte que qui ?
En fait je ne sais pas.
Je ne sens pas.
Je ne veux pas définir la fragilité comme un manque de force.
Ou comme l'opposé de la force.
La fragilité est aussi un cadeau.
Empoisonné parfois, mais un cadeau quand même.
Elle te révèle les faces cachées de ton âme.
Elle te permet de comprendre que les bas ne sont que des hauts un peu manqués.
Que la beauté de l'humain réside aussi dans ses failles.
Et ce sont elles qui laissent passer la lumière, comme un vitrail de tout ton être, comme une étrange cartographie.
"Lorsque je te regarde, je les vois tes failles, je ne vois même qu'elles pour tout te dire".
Un amie m'a dit ça un jour.
Avec beaucoup d'amour, beaucoup de bienveillance.
Ca m'a fait mal.
Ca m'a fait du bien aussi.
Après tout, ces failles, ces blessures, ces cicatrices, c'est moi.
Ce sont les parties de moi auxquelles tu peux accéder aujourd'hui.
C'est bien sûr moins lisse, moins confortable peut être pour ceux qui les lisent.
Mais c'est moi en entier.
C'est moi sans te mentir.
C'est moi sans me mentir.
Qui est fort au fond ?
Tu connais l'histoire du chêne et du roseau j'imagine ?
"Les vents me sont moins qu'à vous redoutables. Je plie mais ne romps pas" dit le roseau au chêne qui se sent supérieur et se rie donc de lui.
Alors non, bien sûr, je ne peux pas dire que je suis forte comme le chêne.
Ni hier, ni aujourd'hui, ni demain sans doute.
Mais je suis heureuse d'être enfin consciente.
Consciente de ma chance au fond.
Etre une toute petite branche, très fine, être une brindille un peu perdue dans le décor, et qui ne peut accueillir que les choses les plus légères, les plus fragiles.
Peut être les plus belles alors ?
Au fond je suis une fille vernie.
Je le comprends enfin.
Je le ressens aussi.
Ce qui a changé ce n'est sans doute pas ce que j'ai.
Ce qui a changé ce n'est peut être pas qui je suis.
Ce qui a changé se joue entre moi et mon regard sur ma vie.
Le regard que je porte sur moi.
Sur ce que je fais, sur ce que je suis.
La bienveillance, enfin accueillie.
L'envie de m'aimer et de m'accepter avec mon étiquette de fille "fragile".
Je ne me vois pas, je ne me vois plus comme une fille fragile.
Et lorsque change l'intérieur, l'univers tout entier se modifie.
La tectonique des plaques, encore et toujours.
Je peux porter les autres.
Leurs chagrins, leurs deuils, leurs pensée ou actes les plus terribles.
Leurs descentes aux enfers, leurs ombres les plus horribles.
Je peux voir et entendre, je peux être l'amie qui soutient sans juger.
Pour les autres.
Mais ce qui a changé, ce qui me fait me sentir mieux aujourd'hui, c'est d'apprendre chaque jour à être ma propre amie.
A m'accompagner dans mes moments de doute comme dans ceux d'euphorie.
A me consoler lorsque j'ai mal à l'âme.
A prendre soin de moi.
Moralement, physiquement.
A devenir un peu ma mère, un peu mon père, un peu mon frère ou ma soeur.
Un peu tous ceux que j'ai pas, que je n'ai plus.
Un peu tout ce que je n'ai pas, que je n'ai plus.
Tout ce qui me manque, je veux apprendre, apprendre, encore et encore, à me le donner.
Pour que peut être, enfin, un jour, on ne me demande plus si je me sens forte ou fragile.
Ce jour pas si lointain où, juste en me regardant dans les yeux, on ne se posera plus la question, car on me sentira comblée et fière de ce que je suis.