mardi 31 mars 2015

Une ou deux histoires d'amour ...



Lorsque le téléphone avait sonné ce lundi-là, Martine était en train de lire, une tasse de café fumante dans la main gauche.
Sans relever le nez, elle avait tendu le bras droit et décroché.
« Gendarmerie de Saint Saphorien Madame. Nous vous appelons au sujet de votre père ». Elle avait immédiatement posé la tasse, la bouche sèche, le cœur serré.

« Qu’est-il arrivé à mon père ?» avait-elle demandé d’une voix inquiète, imaginant tout de suite un drame.
« Madame, votre père va bien, mais je dois vous informer qu’il a été arrêté par nos services et risque la mise en garde à vue pour conduite dangereuse et insultes à agent dans l’exercice de ses fonctions ».

Martine laissa un silence envahir le combiné du téléphone. Son père ?
En garde à vue ?
A 85 ans ?

Cette histoire lui paraissait invraisemblable.
Et conduite dangereuse sur la voie publique ?
Mais ... il avait cessé de conduire depuis l’an dernier !
Elle s’était suffisamment battue avec lui à ce sujet, elle avait même fini par lui imposer de vendre la voiture, pour être sûre qu’il ne la reprendrait pas dans son dos.
« Je n’y comprends rien » articula Martine, un peu hébétée.
« Ecoutez Madame, c’est assez délicat comme problème et on n’a pas trop l’habitude de gérer ça ... C’est juste que comme on connaît bien votre papa, on ne voudrait pas qu’il ait trop d’ennuis voyez-vous ».
Elle ne voyait pas non, et plus cette conversation avançait, moins elle comprenait justement.
Et tout ça commençait d’ailleurs à l’agacer.
« Pourriez-vous en venir au fait s’il vous plaît, ou va-t-il falloir que je descende à Saint Saphorien pour régler cette histoire ? »
« Ne le prenez pas sur ce ton Madame, je vais vous expliquer. En fait, depuis plusieurs semaines, nous avons régulièrement récupéré votre père sur la voie publique, au milieu de la chaussée. A chaque fois, on l’a sermonné, et il a promis de se calmer. Mais aujourd’hui, c’était la fois de trop et on lui a expliqué qu’il fallait vraiment qu’il arrête. Il s’est mis en colère, il a dit qu’on ne comprenait rien à rien, et le ton a fini par monter avec un de nos agents ».
« Mais enfin ça n’a pas de sens ! » s’était écrié Martine, « que faisait-il au milieu de la route ? ».
L’agent marqua une pause puis répondit lentement.
« Du stop, Madame ». « Il faisait du stop ».
Martine éloigna le téléphone de son oreille et le regarda un instant, incrédule.
Un canular.
Ce n’était pas possible autrement.
Quelqu’un lui faisait une blague (stupide au demeurant).
« Bon, maintenant ça suffit » se fâcha-t-elle. « Raccrochez et ne me rappelez pas, je n’ai pas de temps avec ce genre de bêtises ! ».
« Mais Madame ... »
« Non, je vous dis que ça suffit là les âneries ! ».
« Madame ! A un officier de l’ordre public ! Un peu de respect je vous prie ! ».
Elle se tut.
Le ton était trop parfaitement celui du gendarme au bord de la crise d’’autorité.
Plus vrai que nature.
Ca ne pouvait pas être un acteur ... encore moins un de ses amis.
Elle se résolut donc à écouter à nouveau.
« Voilà toute l’histoire », continua le gendarme un peu calmé. « Tous les jours, vers 14h, nous sommes contrains de demander à votre père de ne pas importuner les automobilistes, et de cesser de faire du stop sur la voie publique ».
Martine n’en revenait pas.
« Mais ... Du stop ? A son âge ? C’est insensé ... Et où va-t-il comme ça, tous les après- midis ? ».
Le gendarme marqua une pause et répondit avec douceur.
« Hé bien ... Il va rendre visite à votre maman d’après ce qu’il nous dit ».
Martine était abasourdie.
« Il va ... voir ma mère ? » répéta-t-elle incrédule.
« Affirmatif. D’après le procès-verbal de cet après-midi, il dit précisément «
qu’il a besoin chaque jour que Dieu fait de la voir et de la sentir ». Je vous répète sa déclaration Madame, très exactement ».
« De la sentir ??? ».
Décidément, cette conversation était complètement déroutante pour Martine.
C’était trop.
Trop pour qu’elle puisse reprendre ses esprits.
Elle avait besoin de faire le point.
Elle avait besoin de réfléchir.
Elle avait besoin de parler à son père surtout.
Elle prit donc une décision aussi radicale que rapide.
« J’arrive. Je saute dans ma voiture et j’arrive. Je serai là dans 5 heures. Gardez le avec vous jusque-là s’il vous plaît ».
« Mais Madame !» tenta de protester le gendarme.
Trop tard.
Il articulait dans le vide, ses derniers mots se heurtant à la tonalité symptomatique de l’absence d’interlocuteur au bout du fil ...
Martine, elle, était déjà en train d’attraper son sac, ses papiers, et les clés de la voiture et celles de l’appartement.
Elle laissa un mot bref sur la table de la cuisine.
« Suis partie à Saint Saphorien. Papa a des ennuis. Rentrerai dès que possible ».
Ces quelques explications griffonnées à la va-vite étaient à destination de son mari.
Il ne rentrerait sans doute pas cette nuit, mais au cas où ...
Elle entra dans sa voiture, mit le moteur en marche, et partit.
Elle avait 5 heures de route devant elle.
Tout le temps nécessaire pour penser à cette histoire de fous.
Alors comme ça, son père continuait à aller voir sa mère tous les jours ?!
Elle n’en revenait pas.
Depuis qu’il avait fallu se résoudre à placer celle-ci dans une maison de retraite, elle avait évidemment senti le manque que cela générait pour lui.
Il n’était plus le même homme, errant sans fin dans la maison vide en la réclamant d’un ton déséspéré.
Pour pallier ce manque, Martine avait alors mis en place une sorte de service de voiturage, afin qu’il puisse aller voir sa mère une fois par semaine, le dimanche après- midi.
Les voisins, les neveux, les anciens amis, tout ce petit monde se relayait plus ou moins volontiers pour permettre au vieux monsieur d’aller voir celle qu’il appelait encore « mon adorée chérie ».

Chaque dimanche, sans faute, sur les coups de 11h, il s’habillait avec le plus grand soin.
Il enfilait son costume, son chapeau, ses gants de cuir.
Avant de quitter les lieux, il prenait systématiquement un mouchoir en dentelle dans la table de nuit grise, celle située du côté du lit qu’elle occupait jadis.

Un mouchoir de sa femme.
Ce mouchoir, c’était son talisman.
C’était ce qui lui permettait de tenir sept jours durant.
C’était « sa dose ».
Il la lui fallait.
Il avait besoin, pour affronter la solitude de la semaine jusqu’au prochain dimanche, de pouvoir la sentir.
Pas au sens figuré du terme, non.
Au sens propre.
Il voulait
vraiment pouvoir la sentir.
Ses sens étaient exceptionnellement développés, particulièrement pour son âge avancé, et il avait cette nécessité primale de pouvoir humer le parfum de sa bien-aimée, pour se sentir relié à elle, presque charnellement.
Il lui fallait pouvoir s’imprégner de cette délicate odeur qui, depuis toutes ces années, l’avait accompagné.
Ce parfum subtil qui l’avait marqué presque malgré lui finalement.
Il avait 25 ans quand ils s’étaient connus.
Elle était très belle, « belle comme une fleur des champs » disait-il.
C’était une femme simple, naturelle, franche et douce à la fois.
Elle n’aimait pas la sophistication, elle détestait les parfums musqués.
Elle portait presque humblement cette légère eau de toilette, si printanière qu’il avait, à chaque fois, l’impression d’aspirer une bouffée d’air frais lorsqu’elle passait devant lui. Comme s’il se promenait par une journée ensoleillée dans une prairie verdoyante. Comme si les marguerites et les coquelicots avaient pour lui envahi l’atmosphère.
Il en était fou.
D’elle, et de son parfum, auquel il l’associait inévitablement.
Durant les 60 ans qu’avait duré leur mariage, elle n’avait jamais voulu en changer.
« Ni d’homme, ni de parfum », plaisantait-il souvent.
« Une fidèle, une vraie », ajoutait-il en riant.
Et, par une magie indescriptible, sans nul doute parsemée d’efforts, de heurts et de compromis, leur amour était, après toutes ces années, demeuré intact.
Aussi délicat et fragile que ces fleurs des champs, oui.
Mais ils avaient su se respecter, avancer ensemble, ne pas se trahir.
Ils avaient préservé jalousement leurs sentiments et leurs serments.
Et ils avaient réussi, là où tant d’autres échouent aujourd’hui.
Ils s’aimaient encore.
Vraiment, inconditionnellement.
Malgré la vie qui use, malgré les épreuves et les tourments, malgré les corps qui fatiguent et les rides qui serpentent.
C’est à cela, à tout cela que pensait Martine en regardant défiler les bandes blanches sur le bord de la chaussée.
Eux, ses parents, avaient réussi.
Ils n’étaient pas devenus peu à peu deux étrangers qui se croisaient vaguement le soir dans un lit froid et sans folie et qui faisaient semblant d’être heureux dans les dîners, pour ne pas perturber l’ambiance.

Elle avait changé de parfum mille fois Martine.
Elle y pensait maintenant en soupirant.
Elle avait eu envie de changer d’homme aussi. D’essayer d’autre bras, d’autres corps, d’autres vies. Mais elle n’en avait pas eu le courage.

Ni de rester vraiment, ni de partir pour de bon.
Elle avait composé, elle avait accommodé, peut-être même raccommodé sa vie.
Pour que ça tienne debout, même si c’était chancelant.
Elle vivait toujours avec son mari, du moins si on peut appeler vivre ensemble le fait de partager un appartement.
Mais son couple n’était plus un couple d’amants.
Elle avait continué, oui, mais ...
Sans la douceur d’un amour sincère et partagé.
Sans ressentir le manque qu’on peut éprouver quand l’un part et vous laisse seul dans un grand lit vide et froid.
Sans avoir besoin, ce besoin irrépressible de frotter son nez dans le cou de l’être aimé, pour respirer son parfum, complètement, définitivement addictif.
Elle avait finalement laissé passer le temps, et, du coup, l’avait peut-être perdu.
Quand elle repensait sa vie, elle la trouvait triste et vide.
Ah ce n’est pas elle qu’on arrêterait pour perturbation sur la voie publique, non !
Elle était au fond très admirative.
De son père, encore assez jeune dans sa tête pour braver les interdits et tenter l’aventure chaque jour avec un nouvel automobiliste, réquisitionné par ses soins au feu rouge situé devant le Cocciprix.
De sa mère, qui avait su maintenir la flamme de leur amour intact et qui recevait encore, à 80 ans passés, la visite quotidienne d’un amoureux éperdu.
Ils étaient ... incroyables, oui.
Si elle se sentait au départ en colère contre son père, qui la contraignait à quitter subitement sa vie pour venir régler des problèmes ici, elle était désormais souriante, émue, attendrie.
C’est avec cette tendresse-là qu’elle avait fini par arriver à Saint Saphorien.
Après tout, qu’est-ce qu’elle y connaissait, elle, au grand amour ?
Elle n’avait jamais su l’accueillir dans sa vie.
Elle n’avait jamais su saisir l’homme ni le moment.
Elle était totalement, désespérément incompétente.
Alors que son père était un héros dans ce domaine.
Elle ferait mieux de prendre exemple sur lui au fond.
Enfin arrivée devant la gendarmerie, elle se gara tranquillement, mit le frein à main, et sortit du véhicule.
Et elle entra en souriant rêveusement dans le bâtiment décrépi.
« Je souhaiterais parler à un gendarme que j’ai eu ce matin au téléphone ».
« Oui Madame, qui êtes vous ? »

« Martine Gaudey. C’est au sujet de mon père que vous avez arrêté parce qu’il fait du stop, à 85 ans passés » ajouta-t-elle en riant face au préposé à l’accueil qui la regardait d’un air impassible.
« C’est votre brigadier chef je crois, mais je ne sais plus vraiment », dit-elle encore pour aider l’agent qui lui paraissait un peu fermé.

« C’est moi » répondit une voix chaude dans son dos.
Elle se retourna, et fut saisie sur le champ par la ressemblance.
Elle se trouvait face à un homme de grande taille, encore mince, brun, âgé d’environ 50 ans.
Et ce visage ...
Non ce n’était pas possible ?!
C’était pourtant tout à fait le portrait de son amour d’enfance.
Il la regarda intensément.
Et à la fossette qui se creusa dans sa joue quand il lui sourit, elle comprit alors que c’était bien lui. 


Texte : Bob
Crédit photo : http://ericdexheimer.com/

lundi 23 mars 2015

Les miroirs de l'âme ...



Nos enfants sont les miroirs de notre âme.
Ils nous bousculent, ils nous réactivent, ils nous révèlent à nous mêmes de vérités enfouies.
Certaines confortables, d'autres moins.
Certaines agréables, d'autres moches.
Lorsque je regarde ma fille, je suis transpercée.
Par sa beauté d'abord.
Ok, je suis tout sauf objective.
Mais quand même.
Elle a un charisme cette gosse.
Un truc en plus.
Un truc à elle.
Je la regarde et je me surprend à me demander comment j'étais à son âge.
Peut être parce qu'on me dit qu'elle me ressemble.
Alors que c'est moi qui aimerais lui ressembler !
A 8 ans, j'étais vilaine.
En tous cas je me trouvais vilaine.
Des lunettes roses affreuses.
La coupe de cheveux de Mireille Matthieu.
Une dent en avant.
Une tête de première de la classe.
Et des trous.
Des trous partout.
Dans le coeur, dans le corps.
Des manques.
Enormes.
Des plaies.
Béantes.
Des fous rires aussi, un sens de l'humour qui pointait le bout de son nez déjà.
Mais pas cette assurance.
Feinte ou réelle, il est un peu tôt pour savoir peut être.
Mais quand je la vois, je suis fascinée.
"Prends moi en photo maman !".
Et elle choisit sa pose, son rôle, son jeu.
Avec un aplomb et un instinct qui me rendent admirative.
Peut être que la différence se trouve aussi là.
Elle est admirée.
Elle est regardée.
Elle existe en tant qu'elle.
Pas en tant que ce qu'elle peut faire pour aider.
Je ne vais pas t'en remettre une couche à la Cosette, ma vie n'a pas été pire qu'une autre.
Mais j'avoue que ça m'aurait sans doute aidée.
De recevoir des compliments.
Plutôt que de servir d'enfant tampon, qui utilise toute son énergie pour apaiser les tensions dans sa famille.
De pouvoir me sentir soutenue par mes parents.
Et non pas d'être, moi, à 8 ans, leur soutien.
J'ai grillé beaucoup de mes cartouches, enfant.
J'ai usé et abusé de ma faculté d'adaptation.
Certes, ça a fait de moi une personne très sociale.
Good point.
Mais au point que je n'ai fait, longtemps, que répondre aux demandes, conscientes ou inconscientes, de mes interlocuteurs.
Dis moi ce que tu veux et je te dirai qui je suis.
C'était mon credo.
Je suis tellement heureuse de voir ma fille se construire un peu moins en fonction de mes désirs, de mes besoins.
Un peu plus en fonction des siens.
Même si, comme tout parent, on projette, on dirige inconsciemment.
Mais la liberté.
Mais l'insouciance.
Mais l'écoute.
Mais le respect du statut d'enfant.
J'aurai peut être planté tout le reste.
Je serai peut être une mère ultra chiante à ses yeux.
Mais j'aurai au moins préservé ça.
Son enfance.


Crédit photo : Bob

jeudi 19 mars 2015

Le syndrome de l'imposteur ...



Je n'arrive pas à me souvenir du moment où ça a commencé ...
La première fois, la toute première fois où j'ai ressenti ce sentiment.
Cette sensation de glisser sur une peau de banane.
Cette sensation qu'une trappe s'ouvre sous tes pieds.
Cette sensation de panique totale.
On te pose une question.
Ou on te demande une action.
Et tu ne sais pas.
Ou tu crois que tu ne sais pas.
Et le sentiment provoqué est bien le même.
Celui de ne pas être à sa place.
De ne pas être à la hauteur.
Celui de n'être qu'un imposteur ...
Je l'ai ressenti des milliards de fois dans ma vie.
Etudiante, lors des examens (nombreux) que j'ai pu passer.
Salariée, dans les différents boulots que j'ai pu exercer.
Aujourd'hui encore, alors que je cherche à monter un projet, j'ai des sueurs froides, des nausées, des difficultés à respirer.
Je ne serai pas à la hauteur.
Je n'y arriverai jamais.
J'essaie de convaincre les autres, mais c'est bien moi qu'il faudrait persuader, je le sais.
C'est comme si je me dédoublais : celle qui fait le show pour que ça passe, et celle qui la regarde en attendant que ça casse ...
Jamais tout à fait convaincue.
Plein feux sur les zones d'ombre.
(ce paradoxe absolu)
Me sentir comédienne dans la vie.
Regarder la pièce pendant qu'elle se joue.
C'est étrange, tellement étrange.
Et inconfortable, évidemment.
Même avec eux, ces trois piliers de ma vie, même avec eux qui me sont le plus cher ...
Parfois j'ai l'impression complètement dingue de passer à côté d'eux.
Au dessus, ou au dessous, je ne sais pas vraiment.
En tout cas pas tout à fait calée ...
Je les regarde.
Je me vois faire.
Et je me trouve tellement imparfaite, tellement décalée, tellement décevante parfois ...
Est ce que tu le ressens ce sentiment quelquefois ?
Est ce que tu le vis ?
Est ce que tu le vois ?
Dis moi ...
On pourrait monter une troupe d'impro-imposteurs, ce serait déjà ça !

mardi 3 mars 2015

L'anatomie (foireuse) de Bob Richard ...




Bon ok, je l'avoue, je suis restée bien silencieuse après mon dernier post.
Je m'étais quand même dévoilée sous un aspect de ma personnalité assez méconnu (heureusement) et j'étais un peu gênée. Toi aussi peut être ...
Il n'y a longtemps eu qu'un seul commentaire, pragmatique, qui me demandait tout simplement : "Mais alors, les bougies, ça a marché ou pas ???".
J'ai hésité à répondre.
J'avais envie de dire que d'une certaine façon, j'avais vu la lumière au bout du tunnel (mouhahahaaa), j'ai même pensé à mettre une délicate petite photo d'escalopes de veau (si si, j'y ai vraiment pensé !) ... mais j'ai pas osé.
Pourtant oui, c'est vrai, il y a eu une suite après l'épisode lyonnais de la quenelle de cire.
Et même une vraie aventure en fait.
Du coup je me suis lancé un défi : si j'avais 2 commentaires sous cet article, je te racontais la suite.
Or depuis trois jours, c'est arrivé.
Je suis dos au mur, plus le choix dans la date (il fallait bien que je la place celle ci !).
Aujourd'hui je te raconte LA SUITE !
Si tu te souviens bien, j'avais refusé catégoriquement de me mettre des bougies dans la grotte magique.
Mais mon problème n'avait pas trouvé pour autant de solution.
En fait (mais je ne l'ai compris que tardivement), c'est surtout à Sainte Rita que j'aurais dû coller un cierge !
Mais comme je ne suis pas très croyante, j'ai choisi la voie traditionnelle : j'ai vu d'autres médecins.
Je te rappelle (pour une transparence et une précision absolues, ne me remercie pas) que j'avais une adorable petite déchirure juste à l'entrée du vagin. 
(Bon appétit si tu es à table).
Tu vois le principe ? 
Il est d'une simplicité à faire peur : à la moindre sollicitation, la peau se déchire. 
Donc tu attends gentiment que ça cicatrise en indiquant avec un immense sourire à ton partenaire ses oreilles, comme unique point de chute de tout désir naissant.
Parce que rien que l'idée qu'il te regarde te fait déjà grimper aux murs (mais pas comme il le voudrait !).
L'état de notre intimité se rapprochant du désert de Gobi, il devenait urgent de trouver une réponse, une issue, une solution.
J'ai pris RDV avec ma gynécologue.
A trois reprises, et en dépit de la moindre évolution positive, elle m'a répété que ça allait passer tout seul, à coup de crème à la con. 
Tu vois le style.
J'ai refusé le quatrième RDV.
Une copine m'a donné le numéro d'un type soi-disant génial.
J'ai appelé et j'ai expliqué mon problème, en insistant sur le fait que c'était douloureux et assez flippant quand même.
Le jour du RDV, il m'a demandé de me déshabiller et, sans autre explication, a saisi une sonde pour réaliser une échographie par voie interne.
(Honnêtement, démerde toi pour visualiser ou googlise, il est hors de question que je te fasse un dessin !).
Il m'a donc fait un mal de chien (ce gros con), et n'a absolument pas trouvé de solution à mon problème, lui non plus, à part un retour à la crème.
Le troisième gynéco, c'était celui des bougies.
Je commençais à désespérer.
Le quatrième m'a été chaudement recommandé.
A ce stade, je rêvais presque d'être amputée du  bas de mon corps.
J'arrive chez ce médecin et j'explique pour la énième fois mon souci.
Le gars me demande de me désaper (hé oui, encore).
Il m'indique gentiment les étriers (ce mot !), et allume sa lampe pour observer.
"Je ne vois rien" me dit-il.
En effet, après 3 semaines d'abstinence totale, ça avait fort heureusement cicatrisé.
Mais comme il ne voyait pas le problème, il a fait selon son bon sens (cet enfoiré !) : il a tout simplement écarté d'un coup sec.
Et là, tout content, il s'est écrié "Ah si ça y est, ça saigne, je vois !".
Moi je ne voyais rien mais je peux te dire que j'ai bien senti en revanche.
Exit gynéco numéro 4, et moi j'avais toujours mon problème sur les bras.
(Enfin un peu plus bas que les bras mais bon).
J'ai fini par trouver à l'hôpital un ponte de chirurgie gynécologique qui a bien voulu me donner RDV.
Un vieux roublard, qui te prend avec 2 heures de retard sinon c'est pas drôle.
Il m'a examinée et a immédiatement prononcé ces mots magiques : "Mais enfin, c'est l'évidence même ! Vous avez une petite malformation il faut juste opérer et vous n'aurez plus jamais de problème !".
Putain je l'aurais volontiers embrassé si j'avais pas eu les pieds coincés dans les étriers et la chatte à l'air (technically speaking).
Tu vois le méga happy end ?
Moi aussi j'y ai cru.
J'ai déchanté ensuite.
Il m'a dit qu'on allait faire une petite opération sous anesthésie locale, a mentionné vaguement une sorte de mini-épisiotomie.
A l'époque, je n'avais aucune idée de ce que ça pouvait bien être.
Le jour J, je suis arrivée telle une vierge innocente (enfin presque) pour le sacrifice.
On m'a recollé les pieds dans les étriers (j'en étais presque à hennir ou à réclamer une selle je te jure !), puis on m'a badigeonnée méthodiquement de Betadine.
Glamour total.
L'infirmière m'a fait les piqures d'anesthésie (et c'est un vrai régal de se faire piquer dans cette zone du corps comme tu peux l'imaginer) en me racontant sa vie, et, à peine un heure plus tard, le professeur Machin a daigné faire son entrée.
Sans m'avoir le moins du monde expliqué le déroulement de l'opération, ni même avoir pris la peine de me dire bonjour, il a saisi son scalpel et a commencé à me trancher dans le vif.
J'ai cru qu'il m'avait coupée en deux, comme un David Copperfield qui aurait foiré son spectacle ! J'AI TOUT SENTI !
L'anesthésie n'était pas assez forte, ou elle commençait déjà à se dissiper, en tous cas j'ai sursauté, et j'ai hurlé de douleur et de peur.
Hé bien figure toi que les médecins sont des gens merveilleux et incroyablement réactifs.
Et celui-ci a fait la seule chose qui lui paraissait appropriée ...
Il m'a littéralement hurlé dessus.
"Non mais ça va pas de bouger comme ça ! Vous êtes dingue ou quoi ? J'ai un scalpel dans la main voyons je risque de vous blesser !".
Comme ça.
Si si.
J'étais en larmes, de gros hoquets bouillonnants sur les joues et le coeur qui battait à tout rompre, et en plus, je devais culpabiliser.
Génial.
Décidément l'amputation aurait été une bonne option j'aurais au moins eu droit à l'anesthésie générale ...
A ce stade, j'ai bien pensé à me lever et à me casser mais franchement c'était un peu compliqué là tout de suite : j'étais à poil, la peau zébrée de marron, les pattes écartées et les babines en vrac !
Il fallait qu'il finisse sa boucherie chevaline le pépère.
Alors j'ai serré les dents, l'infirmière a refait une piqure, et j'ai tenu jusqu'à la fin de l'opération sans insulter ce gros connard.
Je suis sortie de là un peu hagarde il faut bien le dire, incapable de marcher, les pattes écartées comme si j'étais née assise sur un tonneau.
La grande classe !
Mon mec (un saint je te jure !) est venu me chercher et j'aurais pu me mettre à califourchon sur ses oreilles d'ailleurs mais j'ai pas osé (et puis ça aurait fait trop mal).
J'espérais entrevoir au moins la fin de ce cauchemar.
Le vieux boucheman m'avait vendu une guérison en 2 semaines.
Et quel bonheur, cette phase merveilleuse de cicatrisation où tu te trimballes comme un nouveau né, avec des couche Confiance, les pattes toujours en tonneau !
Mais c'était temporaire, je me le disais tous les matins.
(Et je le répétais tous les soirs à mon mec qui était à deux doigts de péter un câble).
Bon, évidemment, c'était mal recousu, il y a eu des complications, et ça a mis des semaines à cicatriser.
Evidemment.
Tu te dis peut être que cette histoire n'est pas croyable.
Mais si, la réalité dépasse souvent la fiction on le sait bien (surtout la mienne !).
La fin de cette belle et émouvante histoire d'escalopes s'est produite quelques semaines après l'opération, quand il a fallu retourner voir mon Bernie des hôpitaux pour la visite de contrôle post op.
Pervers Pépère avait encore une bonne heure de retard, normal.
Je suis entrée.
Il m'a demandé de me désaper (à ce stade j'aurais presque mieux fait de devenir nudiste non ?) et de mettre les pieds dans les étriers (ça sonne comme un mantra à force, c'est magique).
J'étais donc dans cette position qui te fait te sentir femme et forte à la fois, quand là j'ai l'ai vu, derrière lui.
Un grand beau gosse.
Un jeune interne d'une petite trentaine d'années, terriblement canon, qui me matait l'entrejambe avec un air entendu ...
Le vieux hibou m'a alors demandé si ça ne me gênait pas que son étudiant observe, car mon cas était vraiment très intéressant.
J'étais une fois de plus le dindon de la farce, ou le rôti, on se sait pas trop, et j'avais tellement hâte d'en finir que j'ai dit oui, juste pour sortir au plus vite de cet endroit.
Et là, il a enfin prononcé les mots que je rêvais d'entendre depuis des mois : "Bon ben c'est fini tout ça maintenant, vous êtes guérie tout va bien se passer à l'avenir !".
Soulagée, je suis rentrée chez moi, j'ai allumé des bougies en me marrant comme une baleine, et j'ai attendu mon mec pour tester avec lui la solidité du matériel !
Et je te rassure tout s'est bien passé ensuite, par pitié ne m'envoie pas Amanda Lear ou le docteur Cymes, JE VAIS BIEN TOUT VA BIEN.
J'ai juste conservé une petite pathologie sans gravité mais qui peut prêter à malaise il est vrai : dès que je vois une blouse blanche, comme par un réflexe pavlovien, je commence à enlever ma culotte et à réclamer les étriers, et honnêtement mon ophtalmo me l'a dit la dernière fois, il commence à en avoir assez !