mardi 29 juillet 2014

Au petit matin dans le ventre de Rungis ...


"On se retrouve devant chez toi à 3 h 30 OK ?"
Il m'a dit ça en se marrant à moitié.
J'ai pensé à une blague.
Il me connaissait sans doute bien.
Car il a ajouté : "Et c'est pas une blague !".
Il faisait donc nuit noire lorsque mon réveil a sonné.
Nuit noire lorsque j'ai sauté dans mes fringues, préparées avec soin la veille pour réduire au minimum les efforts au petit matin.
Nuit noire lorsque je suis sortie sans bruit de la maison.
Nuit noire lorsque je me suis assise sur le petit muret du parking.
Nuit noire lorsque des phares sont arrivés et m'ont éblouie.
"On y va, allez monte !".
Ils riaient, les yeux encore bouffis de sommeil, mais plissés malgré tout par leur bonne humeur contagieuse.
Deux hommes dans la voiture.
Un troisième à scooter.
J'étais la seule femme.
Et ça me convenait.
Les hommes me semblent tellement moins compliqués.
Avec eux, je me sens plus en sécurité, pas jaugée, pas jugée.
Et du coup, décontractée.
"C'est parti".
"Vous me suivez", a énoncé l'homme au casque.
La radio diffusait une douce mélopée comme on dit ...
Ils parlaient, parlaient, tranquillement, joyeusement.
Voix feutrées, graves mais douces.
Joues mal rasées, voire barbues pour l'un d'entre eux.
Longs cils, yeux clairs, celui qui conduisait était aussi à l'aise que concentré.
On avait pris la route.
C'était l'aube.
On était à l'aube de cette belle journée.
Il ne restait plus qu'à arriver.
L'autoroute, déjà envahie de voitures malgré l'heure indécente, nous avait accueillis puis recrachés au bout d'une heure environ.
Un péage.
Une carte bancaire dégainée.
On était sur le point d'entrer.
Le parking était immense, comme celui d'un aéroport.
Une ville.
On était entrés dans une ville en fait.
Rungis ...
L'homme au scooter avait sorti un plan.
Il expliquait : "Là, le froid. La viande, les abattoirs. Je sais pas si on aura le temps. Les fromagers plus loin. Il faut qu'on y passe pour T. Les fruits et légumes, c'est tous ces entrepôts là. Et le traiteur italien. Il faut absolument y aller. On a besoin de jambon les gars !".
On a donc poussé la double porte du hangar E5.
Il était à peine plus de 4 h.
Et là, le choc.
Une fourmilière.
Partout, des hommes en blouses.
Des dizaines d'hommes affairés.
Préparant les commandes des restaurants.
Des commerçants.
S'agitant.
S'aboyant dessus.
Se marrant.
Se racontant des histoires de cul.
S'exprimant de tout leur être.
Des mains épaisses.
Des bras solides.
Des sourires fatigués.
Mais des sourires quand même.
L'ambiance de Rungis au petit matin, c'était tellement particulier.
J'ai évidemment adoré !
Contrairement aux hommes qui m'accompagnaient, je n'avais rien à acheter.
J'étais pourtant venue, à leur invitation.
Pour voir.
Pour savoir.
Je rêvais de pénétrer dans cet univers.
Et je n'ai pas été déçue.
Rungis est une ville.
Le ventre de la terre.
Le royaume de la bouffe.
Mais de la bonne bouffe.
Des jambons qui pendent par centaines.
Charcuteries italiennes ou espagnoles.
Pata negra.
Chorizos.
Tonnes de pâtes et raviolis, tous plus appétissants les unes que les autres.
Crochets de boucher.
Pleins ou vides, selon.
Matériel professionnel.
Chaussures, couteaux, tabliers.
Un véritable voyage, dans cet espace hors du temps.
D'un hangar à l'autre, arpenter les lieux.
N'en voir qu'un tout petit morceau tant tout est faramineux.
Rater les abattoirs.
Le regretter.
Mais pas tant que ça.
Imaginer les photos à y faire.
Mais aussi penser à la nausée.
Se régaler les yeux de fruits et légumes par milliers.
Humer.
Les fromages aussi.
Avoir envie de tout goûter, de tout toucher.
Mais bien évidemment s'en empêcher.
Prendre quelques clichés.
Trop peu.
Sortir d'un hangar, pour dans un autre entrer.
Et au fur et à mesure, voir entre nos allées et venues le soleil se lever.
Sur cette ville.
Sur cet univers si particulier.
Et ne plus rêver que d'une chose : un jour, peut être, avoir la chance d'y retourner ...

lundi 28 juillet 2014

"Lorsqu'on attend après son voisin pour dîner, on dîne bien tard", proverbe espagnol.


Il y a des gens qui ont le don d'être des invités absolument par-faits !
Ils notent scrupuleusement la date que tu leur indiques, te confirment rapidement leur venue, arrivent très ponctuels le jour J avec une petite bricole appropriée dans les bras, ont une conversation fine et élégante, j'en passe et des meilleures.
Ces gens là ne sont d'ailleurs pas vraiment des invités.
Ils sont si parfaits qu'on les appelle "les convives".
Et puis, il y a les gens ... comme moi.
J'entends bien la date de la soirée quand on me la donne, oui, promis.
Mais je l 'oublie dans la seconde.
Du coup au lieu de confirmer, je te redemande douze fois "Quand est-ce qu'on se voit ?".
Ou pire, je zappe carrément jusqu'à ce que tu reviennes à la charge.
Le jour J, je dois bien avouer que je me pointe avec au minimum 30 mn de retard (mais plus souvent une heure en fait).
J'apporte toujours de l'alcool (comme si j'étais pas déjà assez barge à jeun).
Et je pense qu'il n'est pas utile que je te précise que, niveau conversation fine et élégante, je me pose là.
(Pour me situer, je suis à moi toute seule une véritable encyclopédie des Melon Melèche)
(Honte sur moi)
(Ou pas)
Bref, contrairement à ces invités parfaits, on pourrait dire que je suis pour ma part un peu plus con que vive !
Et pourtant, pourtant, il arrive que des gens m'invitent ...
Les malheureux.
Parce qu'au-delà de tout ce que je viens de te dire, quand tu m'invites, il faut aussi tenir compte de ma légendaire Pierre Richardise, qui handicape légèrement mon quotidien il faut l'avouer.
Et du coup le tien, si tu me fais entrer chez toi.
Il y a eu ainsi, il y a quelques temps, un week end mythique que je m'en vais te narrer de ce pas.
Le samedi soir, on était invités à dîner chez des copains, mais avant, on devait passer l'après midi à Paris pour aider ma belle mère à faire du tri dans son appartement.
Et on a trouvé des trucs un peu emmerdants.
Genre quoi ?
Genre 3 fusils, un pistolet, et surtout, toutes les cartouches possibles et imaginables.
Plusieurs boîtes.
En fait, on aurait pu faire un siège.
(Mais on n'avait rien à revendiquer c'est con ...)
On était quand même un peu emmerdés.
Tu fais quoi toi quand tu trouves une annexe de l'armée française dans les chaussettes de ton beau père ?
Nous on a fini par appeler les flics ...
(Autant qu'ils servent à quelque chose hein)
(Je déconne)
Une heure après, ils ont débarqué en force.
Quatre mastards en uniforme avec des sourires de circonstances (un trait horizontal au niveau de la bouche, l'air aussi heureux que toi quand tu reçois ta feuille d'imposition).
Ils ont regardé les armes, dont je me tenais le plus éloignée possible.
Ils ont totalement halluciné sur la quantité de munitions.
Et ils nous ont annoncé qu'il fallait impérativement aller au commissariat déclarer tout ça.
Il était 17h, ça roulait niveau timing.
Mon mec est donc partis entre les trois flics, heureusement sans menottes, mais ça faisait quand même bizarre je dois dire.
A partir de là, on a attendu.
Attendu.
Attendu.
Mais il n'est jamais revenu.
(Zaï Zaï Zaï Zaï comme dirait Jo Dassin)
Bon.
Ca roulait de moins en moins et on commençait à être méchamment en retard.
Il était 19 h quand je me suis décidée à appeler mes potes.
Jusque là je repoussais.
Je sais, c'est con, mais autant  ils sont super cool, autant j'avais moyen envie de leur expliquer qu'on serait en retard parce que mon mec était coincé chez les flics pour trafic d'armes dans chaussettes en cachemire !
Mais j'ai quand même appelé.
Te dire qu'ils se sont marrés serait trèèèèès en dessous de la réalité, et puis finalement l'homme a fini par rentrer, et du coup on a pu partir pour aller dîner alleluhya !
Quand on s'est enfin pointés chez les copains, il était ... 23 h !!!
Les mômes (enfin les nôtres surtout) n'avaient pas mangé, et nous on avait tellement faim qu'on a failli bouffer les sièges de la 206.
Nos hôtes en étaient évidemment au café - dessert, on les a vus peut-être une heure max, franchement ils n'ont pas regretté leur soirée avec nous ! Ou plutôt sans nous ...
Ca, c'était juste le samedi.
Le dimanche midi, on était invités à déjeuner chez les parents d'un copain.
Et là, quand tu vas chez les "vieux" de ton pote, même à 40 piges, je sais pas pour toi mais mais moi je suis toujours un peu dans mes petits souliers.
J'avais promis d'apporter des petits trucs à grignoter pour l'apéro.
Tu vas voir que ce détail a sa petite importance.
Si.
Parce lorsqu'on a tous émergé après cette soirée formiable (qui au commissariat, qui chez sa belle mère, à se demander ce qui est le pire d'ailleurs), mon fils s'est plaint d'une vive douleur au poignet, au point que "Oui maman il faut que tu m'amènes aux urgences j'en peux plus là".
Certes, la veille il avait fait un match de rubgy et s'était fait retourner le pouce, mais jusque là il disait que ça allait.
Du coup, je me suis dit que c'était sûrement trois fois rien, j'ai juste enfilé vite fait un tee shirt propre et j'ai filé avec mon minot aux urgences de la clinique d'à côté, où tu es pris en général dans la 1/2 h ...
Mais pas là.
Là, on n'a jamais compris pourquoi, mais personne ne venait nous chercher.
Non pas qu'on était hyper nombreux dans la salle d'attente (peut être 4, et tous en un seul morceau en plus).
Mais va savoir pourquoi, ça n'avançait pas.
Je regardais ma montre un peu affolée et je me disais que le pour déjeuner ça commençait à craindre sec.
Et vas y que je te fait attendre pour t'enregistrer.
Et vas y que je te fait attendre pour voir le médecin de garde.
Et vas y que je te fait attendre pour faire une radio du poignet.
Et vas y que je te fait attendre pour revoir le médecin avec ta radio.
Et vas y que je te fait attendre pour régler.
Putaaaaaaain !!!
J'ai un déjeuner merde c'était quand même important vous comprenez Docteur ou pas ??
Vu l'ampleur de notre retard, déjà, j'ai fini par appeler mon mec pour lui dire de filer chez les parents de notre pote, avec quelques trucs à grignoter pour l'apéro puisqu'ils devaient nous attendre pour avoir de quoi becqueter les pauvres (et t'imagines bien comment mon mec a assuré, ils ont dû avoir des chips et du pâté au moins, la grande classe sans aucun doute !).
Et moi et mon fils on est rentrés, vers 13 h quand même, et on a voulu repasser par la maison.
Pour se changer si tu vois ce que je veux dire.
Rapport au fait que j'étais toujours en short et tee-shirt ruinés notamment.
Et que je n'avais pas pris le temps de me brosser les dents.
(Ni le cul à vrai dire).
(Tu sauras tout).
(Ne me remercie pas hahahahaaaaa).
Lorsque je suis arrivée devant chez moi, tout était fermé.
J'ai été saisie d'une sueur froide.
Noooooon ...
Mon mec ne serait pas parti en fermant tout à clé alors que j'avais pas pris mes clés ?
(je sais ce que tu vas me dire mais je te rappelle que je devais en avoir pour 30 mn le bordel)
Hé bien si, évidemment.
Et me voilà donc coincée devant chez moi.
Je ne pouvais pas aller chercher les clés de mon mec, puisqu'il était déjà au déjeuner et que je ressemblais en gros à une poupée Monster Eye clochardisée.
Il fallait donc que je trouve une solution pour entrer chez moi.
Coûte que coûte.
Et là, mon cerveau s'est mis à improviser.
Oui, tu peux trembler.
Je me suis souvenue qu'on avait un carreau cassé sur l'une des fenêtres de la façade.
Bon, la fenêtre était fermée par un volet.
OK.
Et bien c'était très simple : il fallait virer le volet.
Pas de pierre, pas de palais ... pas de volet, pas de problème.
J'ai donc escaladé le portillon pour atteindre la maison.
J'ai commencé à tirer sur le volet pour l'ouvrir.
Peau de balle.
C'était bien fermé.
Merde.
Il me fallait un truc pour faire levier.
J'ai trouvé une fourchette en plastique qui traînait.
Oui, j'ai tenté ça.
Brillant non ?
Attends j'ai fait mieux ensuite.
Après avoir bien évidemment pété la fourchette, je me suis souvenue que la cabane au fond du jardin n'était jamais fermée, elle.
Et qu'elle contenait tous les outils de mon mec.
Je suis partie avec un sourire diabolique.
Mon minot, resté de l'autre côté de la grille, commençait un peu à flipper.
Il n'avait pas tort.
Je suis revenue avec la tête de Jack Nicholson dans Le Joker.
Et, dans la main gauche, un magnifique pied de biche.
J'ai saisi le pied de biche, je l'ai glissé dans l'interstice du volet, et j'ai commencé à forcer.
Mais ça s'ouvrait toujours pas.
J'étais tout à fait prête à bouriner, tel un char délicat d'assaut, lorsque j'ai entendu cette toute petite voix que j'ai identifiée comme étant celle de mon fils affolé : "Mais maman, tu ne crois pas que tu devrais arrêter ? Tu es en train de détruire la maison là un peu non ?".
Hum.
Il avait peut être raison.
J'ai lâché mon pied de biche avec regret.
J'ai dû me résoudre à appeler mon mec pour qu'il nous apporte les clés, et qu'on puisse enfin se doucher / changer / rendre présentables pour aller déjeuner.
Tout allait bien, il était à peine 14 h après tout ...
Lorsque nous sommes revenus tous les trois, toute la famille de mon pote nous attendait bravement pour déjeuner.
La honte suprême !
Du moins c'était ce que je croyais.
Le pire était à venir en fait.
Une des belles filles s'est levée pour me dire bonjour, sa grande fille à ses côtés.
Et elle a juste dit cette petite phrase  : "Bon ben nous on va y aller dommage on n'aura pas mangé mais ma fille a une compet de GRS, on doit y aller".
Le ventre vide.
A cause de moi.
Oh merde.
Pierre Richard avait encore frappé.
Elle est partie pourtant avec le sourire.
Tandis que nous on a un peu mangé de la soupe à la grimace ...
On a soufflé de soulagement en sortant, heureusement le week end était terminé et plus personne ne nous attendait !
Parce que franchement les week ends chics ne sont pas vraiment ma tasse de thé ...
Trop risqué !



jeudi 24 juillet 2014

Une petite coupe d'été ?


Oui, une jolie coupe ... mais sans coiffeur (trop risqué !)
En triant mes photos, tomber sur celle-ci.
Ne me demande pas pourquoi j'ai eu envie de photographier ces échafaudages délirants.
J'ai eu envie.
Je les ai trouvés beaux.
Ou du moins, dignes d'intérêt.
Ils sont donc maintenant sous mes yeux.
Et en les revoyant, une évidence.
Me faire immédiatement la remarque que c'est à peu près comme ça que j'imagine mon cerveau ...
Des câbles par centaines.
Entrecroisés.
Entremêlés.
Emberlificotés.
Ca part dans tous les sens.
Oui, indéniablement.
Ca foisonne.
Ca bricole.
Ca "gredouille" comme aurait dit ma grand mère.
En un mot, c'est le bordel !
Et ça pourrait me faire peur ...
Mais non.
Ce ne m'inquiète pas vraiment.
Ca ne me fait pas peur du tout même.
Parce que si tu regardes bien, si tu dépasses le bordel, voilà ce que tu peux voir.
Voilà ce que je vois en tous cas.
C'est solide.
C'est en acier trempé.
Il y a des milliers d'attaches.
Quelques unes pendent dans le vide, oui.
Mais la plupart paraissent bien accrochées.
OK t'es pas près de trouver rapidement quelque chose là-dedans, mais d'un autre côté ...
Ca risque pas de se casser la gueule.
C'est méchamment bien accroché.
Et puis surtout, surtout, il y a cette grande échelle.
Ou peut être que c'est un escalator ?
En tous cas, ça monte.
Ca monte droit vers le ciel.
Ca monte fort même !
Et puis attends ...
Un seul trajet.
Une seule voie possible.
LA voie.
Vers l'infini ...
(et au-delà (merci Buzzz ;)) !
Allez c'est parti, mets ta ceinture, je t'emmène, on y va ...
Yalla !!!



mardi 22 juillet 2014

Séances en solitaire ...


Dans ma tête, ces dialogues improbables entre moi et moi, ce chemin qui se fait, cette acuité dans la recherche des réponses ...

"Mon esprit me sclérose ...
Je me sens prise au piège de moi-même.
Je sens que je fais parfois du sur place.
Il me met des barrières, des putains de barrages même.
Je lutte, mais il est toujours le plus fort
Je cherche à le dompter, mais il me domine encore, et encore"

"..."

"Ma "bonne éducation" me sclérose ...
Je n'ose pas dire les choses.
J'encaisse au lieu de parler.
Et ensuite je suis en colère.
Contre moi, contre les autres.
C'est tellement stérile et ça m'empêche d'avancer
Je me sens comme prisonnière de mes pensées".

"..."

"Mes peurs me sclérosent ...
Et si jamais j'échouais ?.
Je n'ai pas le talent, pas les qualités.
Tout a déjà été fait.
Tout bien mieux que je ne le saurais.
Du coup peut être qu'il vaut mieux ne rien tenter
Je suis bloquée, enfermée, tétanisée".

"..."

"Et toutes ces peurs, toutes ces barrières, j'ai parfois l'impression atroce que ça s'accumule dans ma tête et dans mon coeur ...
Que ça fait des couches, des strates, des plaques ...
Que ça me bloque,
Que ça me lamine,
Que ça me paralyse,
Que ça me crucifie ...
En un mot, oui, je dirais que ça me sclérose"

Et l'autre voix intérieure, jusqu'alors muette et attentive, impassible telle une oreille professionnelle, de me répondre ...

"Elle est morte de quoi déjà votre maman ?"

"..."

"Une sclérose en plaques c'est bien ça ?
Hé bien je crois que pour aujourd'hui on va s'arrêter là".

vendredi 18 juillet 2014

Si je pouvais parler à coeur ouvert ...



"Quand il te lit, il dit qu'il voit ton coeur".
Elle m'a dit ça, simplement, avec ses beaux yeux clairs plantés dans les miens, comme si c'était la chose la plus naturelle du monde.
J'en suis restée bouche bée.
Le plus beau compliment qu'on puisse me faire, voilà ce que c'était.
Le cadeau était tellement énorme qu'aucun mot ne sortait de ma bouche.
L'émotion avait pris toute la place.
Et je n'ai pas cessé depuis d'y penser.
Alors c'était vrai ?
Alors ça fonctionnait ?
Je connectais mon coeur et mes tripes à ce clavier, et ça suffisait ?
Et vous le ressentiez ?
Ce n'était pas possible ...
Non, non ce n'était pas si simple en fait ...
Comme en électricité, pour que ça passe, il fallait respecter ce principe de base.
Une prise mâle, une prise femelle.
Pas au sens anatomique du terme pour le coup.
Mais au sens de "générateur" versus "récepteur".
Parce que je peux donner tout ce que je veux, tout ce que je peux, rien ne passera si, en face, il n'y a pas quelqu'un qui cherche à recevoir, à entendre, à prendre ...
Et depuis quelques mois, ce constat édifiant que non, non, tout le monde n'a pas envie qu'on lui parle à coeur ouvert.
Tout le monde n'a pas envie que l'on parle à son coeur.
Ca peut faire mal.
Ca peut faire peur.
Ca peut te renvoyer vers tes zones d'ombre, vers tes douleurs.
Pourtant ce n'est pas que je cherche à te bousculer tu sais.
Je viens ici avant tout pour me soulager, pour exprimer ce qui ne peut pas, ne peut plus rester enfermé.
Mais si ça peut t'aider, si ça peut te parler, saches que mon plaisir en sera décuplé.
Parce qu'à la base il y a ce postulat merveilleux, ce besoin absolu : PARTAGER !
Mes joies, mes peines, mes conneries et mes pierre richardises.
Mes cauchemars aussi, mes vieux démons et mes terreurs enfouies.
Alors je passe, je dépose mes mots et mes maux s'allègent.
Comme par un système de vase communicants.
Et je suis pleine de gratitude.
Car je sais désormais que je ne suis pas la seule à chercher cette sincérité.
Je ne suis pas la seule à vouloir parler de coeur à coeur.
Je ne suis pas la seule à rechercher l'âme de mon interlocuteur.
A vouloir retirer tous ces putains d'artifices.
Tous ces "mais qu'est ce qu'il va penser de moi si je dis ci, si je fais ça ?"
Tous ces "mais ça ne se fait pas, ne se dit pas"
Ici au moins, je peux tout m'autoriser.
Je peux dire tout ce que j'ai sur le coeur.
Ici au moins je n'ai pas à m'imposer ce vernis social qui m'épuise et me vide peu à peu de ma substance.
Ici au moins, je me sens moi.
Je me sens libre.
Et je suis très touchée de savoir que d'autres peuvent, en me lisant, éprouver un peu le même ressenti ...

Ce texte dédié à X.
Et à sa merveilleuse épouse au regard si profond.

mardi 15 juillet 2014

Je suis une excellente assistante, ou le mythe de "T'inquiètes paupiette" !


Ce week end, on devait fêter les 40 ans de l'une de mes deux soeurs adoptives (oui, j'ai deux soeurs, rapport au fait qu'elles et moi avons décidé de nous co-adopter il y a déjà plusieurs années au regard de la bérézina de nos familles respectives).
Ce qui est marrant, c'est que comme dans toutes les fratries, les rôles sont un peu distribués.
Ma grande soeur adoptive est toujours hyper organisée, d'ailleurs quand tu connais sa vie tu te demandes quand même comment elle fait (un jour si elle veut bien je te raconterai son parcours qui mériterait un roman en trois tomes).
Ma petite soeur a un côté un peu fofolle, elle teste tout, est super enjouée, toujours optimiste, bref nous fait bien marrer.
Et moi, au milieu, je fais ... Ben je sais pas trop en fait. Je fous le bordel peut être, tout simplement ?
En tous cas, pour en revenir aux 40 ans de la "petite", née un 13 juillet, la grande avait dû rédiger un rétro planning dès l'été dernier.
Elle avait commencé à réfléchir à ce qu'on ferait le jour J et à me donner des missions pour l'aider.
On avait opté pour un moment intime entre filles, hammam ou truc dans le genre, une petite expo si on avait le temps, un resto sympa pour le déj, et on savait qu'on finissait ensuite dans une salle à Versailles avec tous ses amis pour la soirée.
On a passé des heures à rechercher sur les sites tous les hammams de Paris et alentours (traduit : ma grande soeur a perdu 2 dixièmes à chaque oeil et moi j'ai regardé en diagonale).
On a demandé à nos contacts des idées.
Une de mes amies m'a d'ailleurs conseillé un tout petit hammam vers Belleville, intime, chaleureux, parfait a priori.
Il n'y avait plus qu'à appeler.
Mais comme on est chiantes perfectionnistes, ma grande soeur et moi, on a décidé de continuer quand même à chercher pendant encore quelques semaines, pour voir si on pouvait pas trouver autre chose.
Ca nous aura pris au final 56 heures je pense pour boucler la boucle, et pour en arriver, évidemment, ... à réserver près de Belleville ce fameux hammam.
On était déjà dans le "pourquoi faire simple quand on peut faire compliqué", ça se présentait bien notre affaire.
A côté de la mission papouilles, j'avais reçu personnellement celle de prévoir une jolie carte, où les gens pourraient mettre un mot durant la soirée.
Je devais aussi fabriquer une boîte pour recueillir les petites cartes et les dons éventuels pour un voyage dont rêvait la future quadra.
A ce sujet, toutes les semaines depuis 2 mois, ma grande soeur m'appelait pour faire le point.
"Bon alors mon Bob, t'en es où avec la carte et la boîte ?"
Toutes les semaines depuis 2 mois je lui répondais sur un ton péremptoire :
"Tout est sous contrôle, j'ai presque fini, t'inquiètes paupiette !".
Mais elle se méfiait manifestement.
(Les gens sont d'un mesquin quand même).
(Même ceux de notre famille adoptive tu vois c'est moche en fait ...)
(Alors que rien, rien durant nos 25 années partagées ne la poussait à une telle méfiance tu t'en doutes)
La veille du jour J, j'étais en train de noter l'horaire auquel je devais aller récupérer ma petite soeur pour l'accueillir par surprise Gare de Lyon.
Il était 21h, je regardais à l'arrache sur le Pariscope les horaires de l'expo Mapplethorpe où je rêvais de l'emmener, quand mon téléphone a sonné.
Tu sais bien qui c'était.
Ben si.
Ma grande soeur, évidemment.
"Bon alors mon Bob, c'est bon hein, t'as fini avec la carte et la boîte ??"
Et là, j'ai fait l'erreur de débutante, j'ai continué à lui répondre :
"Tout est sous contrôle, j'ai presque fini, t'inquiètes paupiette !".
Forcément, elle a compris.
J'étais pas plus crédible que Rocco Siffredi quand il dit à sa partenaire que ça va pas faire mal.
J'avais pas commencé, ni la boîte, ni la carte.
Du grand Bob.
Heureusement, ma grande soeur est méga cool, sincèrement elle pourrait presque être moine bouddhiste.
Elle a donc juste dit : "Bon ben bon courage pour finir alors, et à demain ma poule".
Pas plus.
Moi j'ai regardé l'heure.
Et j'ai mis en route mon cerveau de poule pour assurer un minimum malgré ma vilaine tendance à la procrastination.
Ca a plutôt pas mal fonctionné en fait : à 23.30, j'avais une jolie boîte, une jolie carte, et même une jolie pancarte huhuhu !!
Oui, je lui ai fait cet immeeeense cadeau de se faire accueillir avec une belle affiche sur le quai de la gare, le truc qui te fout bien l'archouma mais après tout on m'avait donné carte blanche pour l'accueil (erreur fatale) alors je me suis un eu lâchée !
Je suis allée dormir un peu, et le lendemain j'ai sauté dans un train pour arriver 30 minutes avant elle Gare de Lyon, histoire d'être sûre de ne pas rater son arrivée en gare (je me connais si tu vois ce que je veux dire).
Comme j'étais hyper en avance, j'ai regardé le panneau des trains à l'arrivée et vu qu'il n'était évidemment pas affiché.
Alors je suis allée faire un petit tour des magazines / bouquins débiles / rumeurs en tous genres au RelaY de la gare.
J'ai flâné, feuilleté, ricané, ronchonné ...
Et puis tout à coup j'ai relevé le nez ...
Merde !
Trente minutes ça passe hyper vite en fait !
Du coup j'ai dû courir comme une débile pour arriver en même temps que son train sur la 21 (ça rime, c'est beau non ?)
Je prends ma pancarte, je monte sur un poteau pour pas qu'elle puisse me rater.
Manque de bol c'est le contrôleur qui m'a pas ratée : "Madame il faut descendre SVP".
Moi, toute guillerette : "Mais non je peux pas Monsieur, c'est les 40 ans de ma petite soeur et regardez je lui ai fait une super pancarte "CHERCHE JEUNE FEMME DE 40 ANS BELLE RICHE ET INTELLIGENTE", il faut qu'elle la voie qu'on rigole un peu non ?"
Lui : "NON". "Vous descendez SVP Madame".
Moi, hilare "Mais arrêtez de m'appeler Madame déjà, et puis vraiment allez, il faut qu'elle me voie je ne peux pas descendre c'est impossible je vous assure".
Lui : "Madame (il insistait le con) je vais devoir appeler la police".
Oh sans déconner ! La police parce que je suis perchée ???
(les services psychiatriques à la limite mais bon là ...)
Magnanime, je suis quand même descendue d'un cran sur le poteau.
Je le lui ai fait remarquer.
"Vous voyez je descends un peu, un peu c'est bien déjà non ? Allez me déconcentrez pas, regardez,  les gens arrivent et moi je voudrais pas la rater !".
Le mec a eu cet air blasé que je vois parfois sur le visage de mon homme, quand il sent que je vais tellement lui *** les *** qu'il vaut mieux abandonner ...
Il est parti en soupirant profondément et en rêvant sans doute à la fin de sa journée.
Et moi j'ai commencé à voir défiler des gens morts de rire, et ma poulette toute penaude et rouge de confusion ...
Du coup, j'ai pas voulu être trop méchante hein, j'ai juste chanté "Joyeux anniversaire" hyper fort pendant qu'elle arrivait avec son sac en essayant de se cacher !
Ensuite je voulais l'emmener voir l'expo de Mapplethorpe tu te souviens ?
On a pris un petit thé, puis le métro, et en fait on a vite compris (enfin surtout moi) qu'on n'aurait jamais le temps puisqu'on avait RDV 1h après pour aller déjeuner avant le hammam.
Alors je lui ai montré l'affiche de l'expo dans le métro.
La grande classe non ?
Et puis je l'ai conduite ligne 11 pour aller vers Jourdain.
Mais bon, quand ton conducteur est Bob Richard, c'est jamais très bon signe.
On a donc eu droit à 2 suicidés.
Pas un, deux.
Donc un métro bondé.
Tout bloqué.
Et puis la 11 si tu la connais, ben y a pas trop de plan B pour la remplacer en fait ...
Alors on est sorties, je l'ai poussée dans un taxi, et on a tracé pour retrouver nos deux copines qui nous attendaient (dont ma grande soeur. je sais c'est compliqué).
Ce qui est super, c'est que le temps qu'on arrive, on avait à peine encore assez de temps pour déjeuner !
Donc le resto sympa qu'on avait prévu est passé à l'as, et on l'a emmenée dans une cantine chinoise de Belleville (quand je pense qu'elle nous parle encore elle est quand même méga cool).
On se bidonnait de la tournure classieuse que prenait son birthday mais on y croyait encore un peu ...
Le Bho Bun avalé au lance pierres, on s'est mises en route vers le Hammam surprise.
La surprise a été pour nous : c'était le seul hammam, avec celui de la Grande Mosquée, qu'elle connaissait pour y être déjà allée !
C'est con quand même quand tu penses qu'on avait regardé 2000 pages de hamacs parisiens !
Bon on ne s'est pas découragées, on est entrées et on a filé se faire savonner, décrasser, gommer ...
Une fois qu'on a eu fait tout ça, on avait toutes les 4 réservé un petit massage pour finir l'après midi en beauté, avant de se préparer pour sa grande soirée surprise.
Mes 3 poulettes sont passées, sorties avec le sourire jusqu'aux oreilles, moi j'attendais sagement mon tour.
La masseuse est sortie pour se rendre dans une pièce attentante.
Je me suis dit qu'elle prenait sa pause.
J'ai attendu encore un peu.
Trente minutes en fait.
Et puis je suis allée pisser.
(tu sauras tout désolée)
Quand je suis revenue, une autre masseuse arrivait.
Elle a commencé à regarder un groupe de 4 nanas arrivées après nous, et a appelé une certaine Charlotte.
Je me suis levée, et j'ai dit "Heu ... Excusez moi mais je crois que je dois passer avant elle, vous m'auriez pas un peu oubliée ?"
Je me marrais, pensant que c'était juste une petite omission à régler.
La masseuse m'a regardée d'un air fort peu aimable et m'a répondu : "Non".
"Ben si", je lui ai dit avec mon grand sourire niais, on était 4 et moi j'ai pas été massée encore.
"Non", a-t-elle insisté. "Il y avait 4 massages prévus, et il y a eu 4 massages donnés. J'ai vérifié avec la précédente masseuse avant qu'elle ne parte".
Et là, enfin, ma petite soeur a commencé à se dire que c'était exactement le genre de journée d'anniversaire dont elle rêvait, avec une bonne petite Bob Aladinderie pour son goûter !
"Mais où était passé ton massage ?", te demandes-tu hors d'haleine.
(Le premier qui répond "dans ton cul" est viré définitivement je vous prévioens que je ne vous préviendrai pas !)
Ben en fait, c'est con la vie hein (surtout la mienne) ...
Figures toi qu'il y avait une japonaise avec nous dans le hammam, mais qui n'avait réservé que pour se faire gommer.
Et quand ma masseuse a appelé, hé ben elle, elle y est allée.
Et mes 3 copines ont enchaîné.
Il y a donc bien eu 4 massages, CQFD.
Et moi, j'avais plus qu'à rester comme une cruche sur ma banquette, parce que je peux te dire que la nouvelle masseuse je lui aurais même pas confié mes pieds tellement elle avait pas l'air d'avoir envie de s'en occuper !
"Pas de passage, pas de massage" est devenu notre nouveau "pas de bras, pas de chocolat".
Mais du coup on est sorties bien détendues, surtout des zygomatiques.
On avait pu vérifier, une fois de plus, que le mythe peut parfois devenir une réalité.
Et c'est ce qui m'a sauvée la mise : j'ai pu glisser à ma grande soeur, avec un minuscule infime tout petit rikiki soupçon de mauvaise foi, que j'avais par-fai-te-ment bien organisé cette journée d'anniversaire et que j'étais vraiment une excellente assistante ;) !

jeudi 10 juillet 2014

Et lutter parfois contre l'absence de re-père(s) ...


Si aujourd'hui je ne me pose plus la question, je me suis souvent demandé ce que ça ferait ...
Oui qu'est ce que ça me ferait de revoir mon père ?
Comment je réagirais si, tout à coup, et après 10 années de silence, il revenait vers moi ?
Faudrait-il pardonner, tenter de refaire confiance, tendre l'autre main, l'autre joue ?
Faudrait-il fermer la porte à double tours, verrouiller coeur et volets, faire barrage contre une tentative sans doute mal intentionnée comme il y en a eu hélas par le passé ?
Je ne sais pas.
Je crois que je ne suis pas vraiment de ces gens qui t'affirment "moi j'aurais fait ça", "moi j'aurais dit ça" ...
Comment savoir ?
Comment être certaine ?
Je ne le suis pas.
Je ne le serai peut être jamais.
Il y aura toujours en moi une petite flamme d'espoir je crois, comme il y a une petite pointe d'envie parfois lorsque je vois autour de moi des pères et des filles partager affection et compréhension.
Mais parallèlement, il y a cette certitude que la pire chose que la vie puisse t'apporter est un parent toxique, un parent qui n'est plus en capacité de t'aimer.
Lorsque mon père a commencé à partir en vrille, j'ai tout tenté pour l'aider.
J'avais alors 25 ans ou un peu moins.
Je me remettais enfin de la mort de ma mère lorsqu'il a commencé à fréquenter cette femme, une femme qui allait détruire petit à petit toute sa vie.
Mais je ne l'ai pas tout de suite compris.
Elle a commencé un long et insidieux travail de sape.
Elle s'est appuyée sur tout ce qu'elle avait pu glaner comme informations au moment où elle était la "thérapeute" de la précédente petite amie de mon père.
Et puis ça ne lui a plus suffi.
Alors elle est passée à la vitesse supérieure.
Elle a prétendu avoir des contacts avec les gens de l'au-delà.
Elle a prétendu avoir des contacts avec ma mère, morte quelques années plus tôt.
Elle a prétendu avoir des messages importants à transmettre à mon père.
Des messages concernant sa fille.
Qui prenait trop de place.
Qui devait s'éloigner.
Ou qu'on devait éloigner si besoin.
Elle est revenue à la charge plusieurs fois, avec un grand sourire hypocrite, en annonçant tout ça comme la chose la plus naturelle du monde et en insistant sur le fait que ces messages ne provenaient pas du tout d'elle ...
Et, par une sorte de magie noire atroce que je ne comprends toujours pas après tout ce temps, il l'a crue.
Il a tout gobé.
Et il a commencé à se laisser guider.
Il a commencé à m'éloigner.
A nous éloigner tous.
Sa famille, ses amis.
Il a commencé à mentir.
Il a commencé à tricher.
Il a mis sa maison en vente.
Je l'ai découvert par hasard quand, un soir, la mère d'une de mes amies m'a annoncé qu'elle songeait à l'acheter ...
Il a tenté de nous soutirer les trois sous de l'héritage de ma mère.
Et il a surtout passé de plus en plus de temps en Inde, dans la secte dans laquelle il avait rencontré sa "dulcinée".
Sathia Saï Baba.
C'était le nom de son gourou.
Lorsqu'il a commencé à fréquenter plus assidûment ce temple en Inde, je me suis inquiétée.
Je me suis renseignée.
Et j'ai découvert.
La secte.
Les infos sur le trafic d'organes.
Celles sur les dénonciations pour pédophilie.
Les rumeurs ou les réalités, comment savoir ?
Les horreurs en tous cas.
Et surtout, surtout, le processus.
Cette façon d'éloigner les gens de leur entourage, de les convaincre que personne ne les comprend, que personne ne les comprendra jamais, à part les autres adeptes, leurs frères et soeurs de prière ...
J'ai perçu les changements, le mécanisme inébranlable, la machine de guerre lancée contre lui et contre nous à vive allure.
J'ai frappé à toutes les portes.
Sa famille, ses amis, ses amies.
J'ai passé une année entière à me rendre à L'observatoire national de lutte contre les sectes.
Pour tenter de comprendre.
Pour tenter de l'aider.
Pour tenter de le sortir de là.
Et puis un jour la femme qui me recevait là bas s'est assise en face de moi et m'a dit ces quelques mots : "Babeth, il faut que vous arrêtiez maintenant".
J'ai cru mal comprendre, je l'ai fait répéter.
"Oui, il faut arrêter maintenant de vouloir sauver votre père. Vous avez déjà tout tenter pour sauver votre mère, durant toutes ces années. Vous tentez la même chose avec votre père, depuis des mois. Il faudrait commencer à penser à VOUS. A l'homme qui vous aime et qui voudrait fonder une famille avec vous. A cette famille que vous allez construire, à cet avenir qui vous appartient. Il faut laisser le passé derrière vous et arrêter de lutter pour tous les sauver. Il faut vous sauver vous. Maintenant".
Je suis sortie abasourdie.
Sous le choc.
Alors c'était ça.
Il fallait lâcher.
Le lâcher.
Tout lâcher.
Je suis rentrée et j'ai beaucoup pleuré.
Mais j'ai compris.
Que cette femme avait tellement raison.
Que la vie m'appelait.
Que j'avais le droit, sinon le devoir, de commencer enfin à vivre pour moi.
A 25 ans, il était plus que temps.
Je me suis résignée.
Je me suis relevée.
J'ai enfin pu avancer.
Et pardonner.
Pardonner les mensonges.
Pardonner l'abandon.
Pardonner le fait qu'il nous ait même officiellement reniés, par lettre recommandée (au cas où la lettre se perdrait ?).
Pardonner le fait qu'il refusait tout futur contact avec des enfants qui de moi émaneraient.
Pardonner le fait qu'il me condamnait à un orphelinat total.
Plus de mère.
Plus de père.
Hé bien oui.
Si c'était la réalité, il fallait composer avec cette réalité.
C'est ce que j'ai fait.
Du moins c'est ce que j'ai tenté.
De tout mon coeur, de toute mon âme.
J'ai construit cette famille dont j'avais toujours rêvé.
Mais parfois, parfois, je me demande comme ç'aurait été ...
Comment aurait été ma vie si il n'avait pas tout accepté, tout gobé ?
Je crois que je ne le saurai jamais.
Je crois que je ne veux plus vraiment le savoir.
J'aime.
Je suis aimée.
Le regard de mes enfants me construit, chaque jour qui passe, m'offre des fondations en béton armé.
Je crois que ce n'est pas demain qu'il me fera à nouveau vaciller.
Même si il revenait.


lundi 7 juillet 2014

Une (ou deux) poule(s) sur un mur, qui picotai(en)t ... du mojito !


                                                                                                                                                            ***

Mais dis donc il faut que je te raconte !
J'ai une jumelle !
Dieu (lui ou quelqu'un d'autre qui avait pris de la coke peut être, en tous cas quelqu'un d'un peu défoncé sans nul doute) dans sa grande bonté, me l'a envoyée il y a quelques années (elle dit 4, je dis 2, donc ça doit faire 3 ans logiquement).
Je l'ai rencontrée en allant traîner mes guêtres sur son merveilleux blog 365 pics et plus.
Je lui laissais des commentaires débiles, très Pierre Richard Style, et elle kiffait puisqu'elle est ... comme moi !
(ben c'est un peu le principe des jumelles t'as raison ok)
(même des jumelles maléfiques)
(et par exemple cette manie des parenthèses c'est chez elle que je l'ai chopée)
Donc, joie, bonheur, petits poneys dans le ciel, j'ai une jumelle !
Et de temps en temps, elle monte à Paname et on essaie de se voir.
La dernière fois, il ne s'était pas passé grand chose à part que j'avais failli la tuer et qu'elle m'en reparle à chaque fois (Bob Richard et la fête d'anniversaire) ...
Cette fois, elle montait pour 2 jours de taf avec une collègue.
Quinze jours avant, elle me contacte et me demande de choisir entre les deux soirées qu'elle a sur place.
"Je prends le mercredi soir, le 2 juillet", je réponds.
"Je pourrai pas être là avant 19h" je précise.
Elle valide, et puis on ne se parle plus trop.
Jusqu'à ce fameux mercredi soir.
Je monte dans le train après avoir largué mes loulous au bb sitter, mon mec n'étant pas encore rentré du taf (ma vie passionnante tu l'as voulue tu l'as eue ;)).
Assise dans mon wagon, j'envoie un petit sms à mon Evil Twin.
"Coucou, je serai Gare de Lyon à 19.15, je te retrouve où mon bichon ?"
Elle me répond qu'elle cherche un endroit sympa, qu'elle va demander à droite à gauche, et surtout à Huggy les Bons tuyaux, qu'elle va voir tout ça, et qu'elle me recontacte.
Bon ... mais mon train continue d'avancer, et elle ne me recontacte pas.
Je commence à trouver ça un peu vaseux.
Je la relance : "Heu ... J'arrive dans 15 mn, je vais où après ???".
Et là, coup de fil.
"Dis donc, c'est Roca, mais c'est demain qu'on se voit tu t'es encore plantée ou quoi ?!!!"
Elle se bidonne.
Là, je te vois déjà glousser et surfer sur ma mythologie personnelle.
Ce serait pas chic de ta part.
Même si je te comprends.
Mais il faut tenir compte d'une paille, d'une pécadille, d'un insignifiant petit détail ...
Elle est, je te l'ai dit, ma jumelle !
Et même ma jumelle maléfique.
De sorte que, après vérification, elle m'a avoué que c'était elle qui avait merdé et qu'on avait bien rdv ce soir là ! Mais qu'elle visualisait le lendemain ... Le même cerveau de poule j'te dis !!
Je finis donc par arriver en Gare de Lyon, et elle me dit de la rejoindre dans le 11ème, près de l'hôtel où elle créchait.
Je traînouille à la recherche d'un plan de métro.
Et je reçois un sms de mon mec.
"Sympa ton pantalon de costard avec les talons et le tee shirt blanc léger !".
Ah ben merde alors !
Mais comment ???
Je regarde mon téléphone.
Je regarde autour de moi.
Personne.
Ni dans mon téléphone ni autour !
Je fais ma désormais célèbre "tête de poule qui a trouvé une clé à mollette".
Bizarrement ça ne m'aide pas du tout et je n'y comprends toujours rien.
Il a eu pitié et m'a envoyé la Révélation (mon mec hein, pas Dieu, lui a il a renoncé depuis longtemps je pense !)
En fait, c'était tout con : mon Big Brother était dans un train au départ quand je suis sortie du mien !
On a des vies trop kiffantes non ?!?
Non ??
Non t'as raison c'est complètement con, et puis toi tu veux savoir où je suis allée finalement, je te comprends ...
Hé ben je me suis mise en route vers le métro pour aller vers Voltaire, tu sais, près de son hôtel.
Mais j'avais pas fait 3 pas que mon téléphone a sonné.
"C'est Roca, en fait ne viens pas, vas plutôt directement au Musée de la Mode et du Design c'est tout près de la Gare de Lyon et il y a un super bar qui s'appelle Wanderlust !".
Je pars donc vers Bercy.
Je commence à marcher sous le caniar avec mes talons (sur les pavés c'est le pied, ma personnelle version de sous les pavés la plage, mouarf !).
Il fait hyper beau, je suis jeune et jolie (enfin je me SENS jeune et jolie steuplé c'est déjà pas si mal), le monde entier m'appartient !
J'ai mis ce pantalon de costume d'homme dont je suis folle (le pantalon, pas l'homme, attention pas de polémique stp car il n'est pas à moi tu sais (l'homme, pas le pantalon, mais enfin essaie de suivre s'il te plaît !)).
C'est pantalon de tailleur sur mesure, en laine d'été, super fluide, super canon.
Je le surkiffe.
Mais je commence à sentir des gouttes dégouliner le long de mes mollets quand même ...
En fait la laine d'été, quand même, ça reste un peu de la laine, donc un peu chaud pour le plein été et je commence gentiment à me liquéfier jusque dans mes chaussures.
C'est pas grave, je suis toujours presque jeune, presque jolie, presque pas en sueur, le quartier m'appartient !
Je continue à marcher mais, as usual, se présente rapidement un problème.
Quelle direction ?
Il est où ce putain de Musée de la Mode et du Design ???
Je décide que je suis une femme moderne et autonome, et je me mets sur l'appli Mappy.
Rapidement, je ne comprends plus rien, car la petite flèche blueue (aka moi) se déplace, mais jamais dans le sens de l'itinéraire conseillé.
Pourtant un enfant de 7 ans pourrait y arriver.
Mais moi je sais pas, ça le fait pas.
Je m'énerve, je ronchonne, je me sens con comme une poule et j'arrive à rien avec cette appli, il faut se l'avouer.
Je recours donc à la bonne vieille méthode du "demande donc ton chemin".
J'adore cette méthode.
Surtout à Paname où les gens sursautent à moitié quand tu leur dis simplement "bonjour" !
Bref, après avoir marché 20 bonnes minutes, j'arrive sur les quais de Seine et je commence à descendre pour atteindre les docks.
Ca pourrait être canon si je ne devais pas surveiller mes pieds pour éviter les bouts de tessons qui jonchent les pavés ...
Je continue quand même et je cherche, cherche, cherche où peut être ce bâtiment.
Je finis par me décourager un peu et par m'assoir sur un banc 5 minutes sans toi (et regarder les gens tant qu'y en a).
Ca sonne.
"C'est Roca on est dans le taxi, en fait Wanderlust il paraît que c'est tout pourri on va pas y aller, on se rejoint sur les quais et tu cherches un endroit sympa en nous attendant ok ?".
Je regarde autour de moi.
Y a pas grand chose à part mes tessons.
Un endroit sympa implique apparemment de marcher encore looooongtemps, et mes pieds sont de moins en moins d'accord.
Je décide en mon for intérieur que moi aussi je veux poser mon cul dans un taxi pour réfléchir (climatisé de préférence d'ailleurs).
Donc il faut que je retrouve la rue.
Donc il faut que je quitte les quais.
Donc il faut que je remonte vers le ventre de Paris.
Mais je trouve pas, je suis paumée, tout a l'air d'un hangar désaffecté et j'en suis à espérer que la nuit ne tombe pas trop vite quand je vois ... un escalier !
Un escalier qui monte s'il te plait !
(je m'en fous qu'il descende aussi moi je veux sortir et la terre avec les voitures et les copines assises dedans, tout ça est en haut, loin au dessus des quais ...
En haut de cet escalier, c'est comme une oasis après mon désert : finis les tessons, bonjour les bouteilles !
J'ai atterri dans un open bar hyper sympa, immenses terrasses longeant la Seine, jeunes gens souriants, bouteilles de bière fraîche, petits bancs Fermob, petit vent frais qui te rafraichit les poteaux qui te servent de jambes ...
Franchement pas mal !
J'essaie de ne pas perdre de vue mon objectif (la rue, le taxi, la Roca), et je finis même par trouver le moyen de rejoindre la civilisation.
Je me pose sur le trottoir et je donne ma position à ma pote.
Lorsqu'elles sortent du taxi, je leur dis que j'ai trouvé un endroit super sympa pour nous poser, "Venez voir c'est tout chouette, l'entrée et là et ça s'appelle ... Oh ben Wanderlust dis donc !!"
Hin hin hin.
Tu t'attends à ce que ce soit la cata du coup hein ?
Je t'ai rendu(e) mauvais(e) c'est fou ;) !
Hé bien non, pas de cata !
Des seaux de mojitos frais.
Des sandwichs tellement énormes que tu penses que seule Tabatha Cash pourrait se les enfiler (pardon c'est sale).
Des petits jeunes partout (bon j'ai pris un coup de vieux et niveau sensation de puissance j'admets qu'e ce n'est peut être pas le monde qui m'appartient, mais juste l'immeuble, mais je kiffe quand même le moment !).
Et puis je dois dire que la nuit qui tombe sur la Seine, quand tu as un peu bu et que tu te bidonnes avec des copines, ça l'effectue bien quand même !
Je n'aurai eu qu'un seul (grand) moment de solitude.
Celui où j'ai dû me rendre aux toilettes.
(D'ailleurs je réalise que ma pote est restée 4 heures à picoler sans y aller, il va falloir sur je lui demande son secret, que je la sonde (mouarf !!!)).
Pour les toilettes c'est pas compliqué : une petite cahute, deux côtés (hommes, avec un chiotte qui ferme et des pissotières, femmes avec 2 chiottes qui ferment).
Bon les portes ne fermaient pas à clé, mais c'est pas grave, ambiance collège "tu peux me tenir la porte steuplé ?", ça nous donne un coup de jeune c'est pas plus mal.
Le problème, c'est que comme toujours, y a 20 mn d'attente pour aller pisser côté girls, et 2 pour aller côté boys.
Et donc toujours des courageuses pour aller côté boys en se disant qu'elles ne vont pas en mourir de passer devant des mecs occupés à la pissotière.
J'aurais été du genre comme ça, mais ce soir je sais pas, peut être le fait qu'ils soient tous si jeunes, que je me sente un peu comme une intruse (j'ai pas un sous tif noir sous un débardeur plus échancré que la culotte de Madonna, j'ai pas du rouge sang sur les lèvres, j'ai pas un slim qui me scie l'arrière gorge), hé ben j'ose pas.
J'attends sagement.
En observant.
Mais quelques mètres derrière moi y a une fille qui, avec un grand sourire, me dit "allez y y a de la place chez les mecs".
Elle a dû avoir l'impression de faire une action boy scout, genre "j'ai indiqué le chemin à la petite vieille qui traînait dans les toilettes".
Et moi je me suis trouvée con et j'ai dit "OK merci" au lieu de "Ta gueule merci".
C'est ballot.
Je me suis donc avancée dans l'espace réservé aux mâles, et j'ai amèrement regretté.
Il fallait évidemment passer devant les pissotières.
En soi j'aurais pu m'en remettre hein.
Mais e mec qui tenait sa bite dans la main gauche, et son tel dans la main droite, franchement je m'en suis pas remise !
Je ne saurais donc pas te dire ce qu'il faisait ...
Une photo ? Un film ? Un documentaire peut être ?
Ou un face time ???
J'ai pas épilogué, j'ai arrêté immédiatement de regarder, j'ai posé une barrière mentale dans ma tête et je suis allée pisser ...
Quand je suis ressortie il n'était plus là, heureusement !
Et je n'ai pu qu'apprécier le reste de la soirée, qui a été parfaite, à un détail près ...
Le retour.
Car quand je suis sortie de ce bar, j'ai à nouveau demandé mon chemin pour retourner choper un train Gare de Lyon.
Je m'attendais à marcher encore des plombes.
Et en 5 mn, j'étais arrivée.
C'est con hein ?
En fait, j'étais tout près !
Du bar, je pouvais même distinguer Big Ben !
Hé ben tu sais ce que j'ai fait ?
J'ai fait comme si de rien n'était, j'ai marché paisiblement mes 5 minutes, en tentant d'ignorer le jeune homme qui me parlait à coups de "Madame vous allez vers la Gare ?" comme si j'avais 75 ans ...
Le monde, l'immeuble, peut être pas c'est vrai.
Mais je peux t'assurer que mon corps et mon esprit (embrumé) m'appartenaient, et qu'eux et moi, avec les deux Caros, on avait passé une super soirée !!


*** Crédit photo : Roca ma Morue
Cadeau bonus : l'analyse du cliché
- Narines d'Elliott le dragon : check !
- Tête de poulet mort : check !
- Yeux globuleux qui louchent : check !
Le fou rire vous est offert par la maison, en vous remerciant ;) !