vendredi 5 février 2016

La force fragile ...



"Mais est ce que tu te sens plus forte alors aujourd'hui ?"
Cette question comme une boucle, comme un gimmic dans la bouche des autres et dans mon propre coeur / cerveau / for intérieur ...
Plus forte que quoi ?
Plus forte que qui ?
En fait je ne sais pas.
Je ne sens pas.
Je ne veux pas définir la fragilité comme un manque de force.
Ou comme l'opposé de la force.
La fragilité est aussi un cadeau.
Empoisonné parfois, mais un cadeau quand même.
Elle te révèle les faces cachées de ton âme.
Elle te permet de comprendre que les bas ne sont que des hauts un peu manqués.
Que la beauté de l'humain réside aussi dans ses failles.
Et ce sont elles qui laissent passer la lumière, comme un vitrail de tout ton être, comme une étrange cartographie.
"Lorsque je te regarde, je les vois tes failles, je ne vois même qu'elles pour tout te dire".
Un amie m'a dit ça un jour.
Avec beaucoup d'amour, beaucoup de bienveillance.
Ca m'a fait mal.
Ca m'a fait du bien aussi.
Après tout, ces failles, ces blessures, ces cicatrices, c'est moi.
Ce sont les parties de moi auxquelles tu peux accéder aujourd'hui.
C'est bien sûr moins lisse, moins confortable peut être pour ceux qui les lisent.
Mais c'est moi en entier.
C'est moi sans te mentir.
C'est moi sans me mentir.
Qui est fort au fond ?
Tu connais l'histoire du chêne et du roseau j'imagine ?
"Les vents me sont moins qu'à vous redoutables. Je plie mais ne romps pas" dit le roseau au chêne qui se sent supérieur et se rie donc de lui.
Alors non, bien sûr, je ne peux pas dire que je suis forte comme le chêne.
Ni hier, ni aujourd'hui, ni demain sans doute.
Mais je suis heureuse d'être enfin consciente.
Consciente de ma chance au fond.
Etre une toute petite branche, très fine, être une brindille un peu perdue dans le décor, et qui ne peut accueillir que les choses les plus légères, les plus fragiles.
Peut être les plus belles alors ?
Au fond je suis une fille vernie.
Je le comprends enfin.
Je le ressens aussi.
Ce qui a changé ce n'est sans doute pas ce que j'ai.
Ce qui a changé ce n'est peut être pas qui je suis.
Ce qui a changé se joue entre moi et mon regard sur ma vie.
Le regard que je porte sur moi.
Sur ce que je fais, sur ce que je suis.
La bienveillance, enfin accueillie.
L'envie de m'aimer et de m'accepter avec mon étiquette de fille "fragile".
Je ne me vois pas, je ne me vois plus comme une fille fragile.
Et lorsque change l'intérieur, l'univers tout entier se modifie.
La tectonique des plaques, encore et toujours.
Je peux porter les autres.
Leurs chagrins, leurs deuils, leurs pensée ou actes les plus terribles.
Leurs descentes aux enfers, leurs ombres les plus horribles.
Je peux voir et entendre, je peux être l'amie qui soutient sans juger.
Pour les autres.
Mais ce qui a changé, ce qui me fait me sentir mieux aujourd'hui, c'est d'apprendre chaque jour à être ma propre amie.
A m'accompagner dans mes moments de doute comme dans ceux d'euphorie.
A me consoler lorsque j'ai mal à l'âme.
A prendre soin de moi.
Moralement, physiquement.
A devenir un peu ma mère, un peu mon père, un peu mon frère ou ma soeur.
Un peu tous ceux que j'ai pas, que je n'ai plus.
Un peu tout ce que je n'ai pas, que je n'ai plus.
Tout ce qui me manque, je veux apprendre, apprendre, encore et encore, à me le donner.
Pour que peut être, enfin, un jour, on ne me demande plus si je me sens forte ou fragile.
Ce jour pas si lointain où, juste en me regardant dans les yeux, on ne se posera plus la question, car on me sentira comblée et fière de ce que je suis.



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