mardi 15 avril 2014

Aujourd'hui j'écris ton nom ... Solitude.


Bien sûr j'ai dû sentir cette paume immense dans la mienne lorsque j'étais enfant ...
Bien sûr mes premiers pas hésitants ont été avec bienveillance accompagnés ...
Bien sûr j'ai reçu de l'amour, j'ai été désirée ...
Bien sûr j'ai déjà beaucoup de chance, tellement de chance, cette immense chance pour débuter dans la vie !
Et pourtant.
Pourtant chaque fois que je revisite mon histoire, chaque fois qu'elle s'invite (avec ou contre mon gré), chaque fois que je me pose et que je pose mes mots (mes maux), je me la reprends en pleine face.
Aujourd'hui j'écris ton nom ... Solitude.
Comme un coup de poignard dans le cœur.
Comme un vent glacé qui s'insinue au plus profond de mon âme.
Comme une prison.
Elle est le paradoxe ultime en ce qui me concerne : en fait, je n'ai jamais été seule, car ma solitude m'a toujours accompagnée, depuis mon plus jeune âge ...
Elle était déjà là lorsque, enfant, je constatais avec effroi les ravages de la maladie sur le corps et l'âme de ma mère.
A qui parler ce tout cela ?
A qui poser mes questions lorsque le quotidien était déjà si compliqué ?
A qui parler de mes angoisses, celle de sa mort, celle de cette vie ?
Elle m'a suivie lorsque, adolescente, je menais cette vie totalement décalée.
Les autres ados de mon âge n'avaient pas envie d'entendre parler de soins palliatifs.
Ils ne comprenaient rien à mon boulot d'infirmière à domicile.
Ils étaient assez jeunes / cons / ignorants pour oser me parler de placement, de choix radicaux, de refuser mon aide pour me protéger.
Comment auraient-ils pu comprendre ?
J'étais seule avec ma vie déjà brisée, seule avec sa vie déjà brisée.
Seule au milieu de la foule des gens que je faisais rire.
Seule lorsque je faisais semblant de m'intéresser aux cours.
Seule avec cette boule au ventre.
Seule avec ces larmes qui montaient parfois malgré moi et qu'il fallait cacher, à tout prix, de toute urgence.
Taire.
Ne pas montrer.
Donner l'illusion, toujours.
Etre gaie.
Etre enviée même.
Mais mentir.
Encore.
Toujours.
Leur mentir.
Me mentir aussi.
Jusqu'au moment où je n'ai plus pu, jusqu'au moment où le temps s'est arrêté.
Mais la solitude était là, peut être plus encore.
Avancer, reprendre le cours du temps et de ma vie.
Mais sans elle.
Puis sans lui.
Seule.
Encore.
Toujours.
Seule.
"Lorsque j'entends votre histoire, le mot qui me vient de toute évidence est 'solitude'".
On me l'a dit.
Une fois.
Deux fois.
Plusieurs fois.
A chaque fois, cette petite phrase me crucifie.
Littéralement.
Par sa justesse.
Par sa dureté aussi.
Parce que ça me fait mal.
Pour la petite fille.
Pour l'adolescente.
Pour la jeune maman.
Pour la femme de 40 ans aujourd'hui.
Parce qu'elle est toujours là tu sais, cette solitude.
Elle n'est jamais partie.
Parfois, elle s'éloigne un peu et je souffle.
Je me prends au jeu, je finis même par y croire.
Et puis, pour un rien, pour ce qui pour moi peut être un tout, elle rapplique.
Me transperce.
Me lapide.
Me laisse anéantie.
A terre.
Atterrée.
Enfermée dans une bulle.
Une bulle de douleur.
Le cœur qui se serre, qui se crispe à en modifier son rythme.
L'angoisse qui étreint.
L'amertume qui se déverse.
Et parfois, par chance, les larmes qui coulent ...
Et qui soulagent.
Jusqu'à la prochaine fois.
Elle est là, toujours là.
Tapie dans l'ombre.
Tatouée au cœur de ma peau, au tréfonds de mon âme.
Il va falloir que je finisse par l'apprivoiser.
C'est pour ça qu'aujourd'hui je devais commencer.
Commencer par quelque part.
C'est cette part là que j'écris.
Aujourd'hui j'écris ton nom ... Solitude.

Crédit photo : Bob


8 commentaires:

  1. Je comprends ce tu dis, cette solitude au milieu de tous. Tu es entourée pour la supporter, alors résiste, prouve que tu existes (wwaaaazzzz). Tu vaux mieux qu'elle, tu la vaincras, d'une façon ou d'une autre. Et n'oublie jamais qu'il y a plein de monde au milieu. Au milieu de ta solitude. Des bises. J.

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  2. Il y a avait donc cette solitude.
    Ton "tu" était cette soliTUde.
    et autour de ce "tu" il y a SOLIDE...
    je t'embrasse, même si c'est idiot d'embrasser qqn qu'on ne connait pas, je le fais.

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    1. Il est tellement beau ton commentaire Le Chat !
      Tellement fort !
      Je garde au fond de moi ce que tu écris, comme un mantra ...
      Il y a SOLIDE, oui !
      Et moi aussi je t'embrasse, c'est tout sauf idiot ;)

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  4. Ainsi nommée, tu verras qu'elle se laissera apprivoiser...
    Christine.

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