samedi 22 mars 2014

Au coeur de mon cimetière, il y a ...



Les cauchemars de mon enfance me surprennent parfois par leur brutalité, leur violence, leur irréalité ...
Dans un espace de confiance, ils peuvent resurgir, ressortir, sortir tout court d'ailleurs car certains sont restés bien cachés.
Si profondément enfouis dans le cimetière de mes secrets.
A jamais aurait-on pu dire.
Mais il ne faut jamais dire jamais ...
Et celui-ci a refait surface.
Et sur son passage, il a tout emporté.
Je devais avoir environ 12 ans.
Ma mère était déjà dans un fauteuil roulant.
Pour une raison que j'ignore, elle était ce jour là furieuse.
Sortie de ses gonds.
Peut être que je l'avais énervée ?
Peut être était ce mon frère ?
Peut être l'avions nous poussée dans ses derniers retranchements comme seuls les enfants savent le faire pour faire réagir leurs parents ?
Mais ma mère n'était pas n'importe quel parent.
Ma mère était un parent malade.
Ma mère était une maman épuisée.
Ma mère était au bout du rouleau en fait.
Alors ...
Alors elle s'est mise à hurler.
A hurler comme une possédée.
Mais elle n'arrivait pas à calmer mon frère qui riait, insolent, provocateur.
Alors elle a totalement craqué.
Elle a attrapé un couteau dans la cuisine.
Elle l'a dirigé vers elle.
La pointe du couteau vers son cœur.
Elle avait les yeux fous.
Et elle a hurlé.
Hurlé.
Hurlé ...
"Je veux mourir !!!"
"Je vais me tuer !!!".
Son visage était déformé par la colère.
Déformé par la violence.
C'était ... atroce.
J'étais pétrifiée.
Tétanisée.
Totalement paniquée.
Moi aussi je me suis mise à crier de toutes mes forces ...
"Arrête !!!!"
"Mais arrête maman !!!
"Je t'en supplie arrête tu me fais peur !!!".
"Maman pose ce couteau s'il te plaît !!!".
Mes cris répondaient aux siens dans une égale hystérie.
C'était comme dans une tragédie grecque.
C'était comme dans un film d'horreur.
Ca a sans doute duré moins de 15 minutes, mais j'ai encore le sentiment d'une scène interminable.
D'une tension palpable et insoutenable.
Mais elle a fini par me laisser lui prendre le couteau.
Je l'ai attrapé, malgré la peur de la blesser, malgré la peur de me blesser, et je l'ai immédiatement laissé tomber au sol.
Puis je me suis écroulée par terre et j'ai sangloté.
Sangloté à m'en déchirer les boyaux.
J'ai pleuré à m'en vider.
Elle aussi, assise sur son fauteuil, elle pleurait.
Nos visages étaient ravagés de sillons salés.
Je n'ose même pas imaginer sa culpabilité.
La honte.
Le désespoir qu'elle a pu ressentir.
Mais quand ce cauchemar est ressorti de mes placards bien verrouillés, quand il a resurgi et que l'enfant en moi a enfin pu s'exprimer, j'ai été transpercée par cette violence, anéantie par ce désespoir qui a failli nous pousser au pire ...
Et j'ai hurlé, à 40 ans passés, comme je l'avais fait à 12 ans.
Et j'ai sangloté, pareille à cette enfant.
Et je me suis retrouvée épuisée, vidée, à terre.
Ecrasée.
Mais c'était sorti.
C'est sorti.
Un verrou a sauté.
Ce secret n'est plus un secret.
Les fantômes de mon enfance ont du souci à se faire.
Le grand ménage a bel et bien commencé.
Et après les tempêtes, je le sens, je le sais, c'est le calme qui va arriver.
Pour lui aussi, je me tiens prête.
Et je peux te promettre une chose.
Lui aussi, avec gratitude, avec une conscience pleine, je l'accueillerai.


23 commentaires:

  1. Fais les tous sauter Bob ! C est ton printemps, grand ménage <3

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    1. Grand ménage, c'est tout à fait ça ma belle !
      On secoue les dessous de tapis, attention la poussière ça pique un peu les yeux parfois ;) !
      Je t'embrasse

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  2. Là, là, tout va bien maintenant, tout va mieux. Va te recoucher, mon ange. Ta maman veille sur toi maintenant.

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  3. Je ne peux que t'envoyer des bises de loin, des pensées magiques et toute ma bienveillance pour ce grand ménage intérieur ! Allez ! Dehors les fantômes !

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    1. Merci Sanchone !
      Du balai du balai du balai ...
      Et surtout, surtout "place nette" !
      Bises

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  4. ...
    yesssssssssssssss !
    Un de de moins et hop un pas de plus vers la sérénité...

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    1. Ouaip !
      Un petit pas pour l'homme, un grand pas pour le Bob ;) !

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  5. Je reste sans voix devant tes mots.
    Quel souvenir et quelle expérience de la vie...
    Comme tu dois avoir les épaules lourdes parfois, bien lourdes, à porter toute cette histoire.
    Je trouve que le plus beau témoignage est ta façon d'affronter tout ça pour aller de l'avant et pour continuer ton chemin sans oublier ce qui t'a malgré toi forgée.
    Oui, déverrouiller.
    Pas trop vite pour ne pas faire trop de dégâts car c'est profond, c'est violent.
    Laisser faire le temps en ayant le courage de faire face à ses fantômes.
    T'es une sacrée nana Bob, un sacré exemple.
    Kisses

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    1. Tu vois Tiphaine, tu as eu les mots justes pour me faire avancer dans ma réflexion : hier je me disais que c'était trop violent de balancer tout ça aux gens, de leur imposer mon chemin et mes émotions, je me disais qu'il fallait fermer cette petite fenêtre en fait ...
      Et puis je te lis, et je me dis peut être que non ?
      Merci pour tes mots :)

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    2. Ecrire ici c'est curatif.
      Pour toi, mais pour nous aussi.
      Sauf si tu nous trouves trop intrusifs.
      Ne ferme pas ce qui te fait du bien en te remuant.
      Kisses

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    3. Non je ne vous trouve pas du tout du tout intrusifs !
      Au contraire ...
      Mais c'est juste que je me dis parfois que c'est très égoiste de ma part de balancer tout ça, que peut être je devrais le garder pour moi et ne pas imposer aux autres la vue de mes blessures et de mes cicatrices, que c'est trop impudique ...
      Mais ton mot me rassure, et je t'en remercie.
      Beaucoup.
      Et je t'embrasse aussi :)

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  6. Bob, nous choisissons de te lire, c'est parce que tu nous touches. Il y a des moments où je sais que je ne peux pas recevoir tes mots, alors je viens te lire un peu plus tard. Et comme je n'ai pas le talent de faire d'aussi bons commentaires comme ceux de Tiphaine, je t'envoie des bises et des bonnes ondes... J'avance de mon côté, je me questionne, je lis tes transformations et je m'aperçois parfois des miennes ! Mais je prends toujours avec attention et bienveillance tout ce que tu déposes ici, cicatrices, blessures ou pierre-richardises... Je t'embrasse !

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    1. C'est très fort ce que tu dis là pour moi Sanchone, vraiment très fort.
      Et ca me touche beaucoup.
      Merci, pour l'attention et pour la bienveillance.
      Et pour ta présence aussi.

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  7. C'est très beau, c'est très fort. Je vois les images que tu racontes. J'entends les sons, les cris. Et je voudrais passer mes mains à travers la toile de l'écran, pour t’attraper, et t'aider à partir loin de tes fantômes. Et que tu n'ais plus peur de te retourner. Plus jamais.

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    1. J'ai des frissons à te lire.
      C'est tellement beau, tellement fort, tellement plein de tendresse que je crois que moi aussi, tu vois, je les ai sentis en te lisant ces mains tendues ...
      Je n'ai plus peur de me retourner, je sais que je ne suis plus seule.
      Le reste tient en 5 lettres.
      MERCI

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  8. Quand tu te sens toute brisée de partout, n'hésite pas : la porte de la maison est TOUJOURS ouverte.
    (on veillera à couper l'alarme :))

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    1. Je grave cette information dans mon coeur.
      Promis.
      Mais tu sais aussi que je chasse souvent seule lorsqu'il s'agit de mes fantômes ...

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  9. Je suis venue de nombreuses fois lire cet article sans jamais pouvoir laisser de traces...Quels mots peuvent être à la hauteur de ce que tu écris, de tes souvenirs, de ce que tu "offres" en toute confiance???
    Je rejoins Sanchone (et les autres) et je t'embrasse. Simplement. Sincèrement.
    Christine.

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    1. C'est si généreux de ta part ce mot Christine ...
      Je n'ai pas l'impression d'offrir quoi que ce soit, mais je reçois en revanche tout ce vous m'envoyez et c'est très intense, crois moi.
      Moi aussi je t'embrasse.
      Fort.

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  10. coucou
    je suis déjà passée ici sans commenter mais le ton était différent (mais non moins intéressant). Je me permets de te demander ce que tu penses de la psychanalyse, comme ça ?
    (et je me permets aussi de t'embrasser meme si on ne se connait pas...)

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    1. Bonjour à toi et merci de ton passage.
      C'est une vaste question que tu me poses là Belliflora !
      Comme tu pourras le comprendre si tu lis quelques uns de mes textes, je suis pour l'introspection, pour sortir ce qui peut nous abîmer quand on le tait, pour vider les valises que l'on a pu, enfant, accumuler ...
      Mais je ne suis pas légitime pour te dire s'il faut suivre ce chemin (chacun sait seul ce qui est bon pour lui / pour elle), ni par quelle voie (psychanalyse, psychothérapie, hypnose, ou toute autre méthode).
      Je ne prône rien.
      Je ne juge pas.
      Je ne peux sincèrement pas avoir d'avis.
      Je me contente de témoigner de mon cheminement personnel en toute sincérité.
      J'espère que ma réponse ne te décevra pas ...
      Et n'hésite pas tu peux m'embrasser ;) !

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  11. j'ai envie d'écrire quelque chose, mais je ne suis pas sûre en fait... C'est un peu violent de te lire pour moi, et en même temps c'est important de te lire. Je ne suis pas sûre de vouloir mettre des mots sur ce que je ressens. J'ai parfois peur pour mes enfants, non, j'ai tout le temps peur pour eux. Quels adultes deviendront-ils ? Je n'ai pas fini de poser toutes mes valises, et je pense déjà à ce qu'ils vont pouvoir faire des leurs ! Merci de partager ton cheminement, merci pour tes mots. Tout est possible !

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    1. Faire sortir les démons c'est pour moi la seule solution ...
      Si tu as commencé à poser tes valises l'Ange, alors celles de tes enfants seront forcément moins lourdes je pense.
      Merci de ton passage et de tes mots.
      Je t'embrasse

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